L'édito de Philippe Bailly

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Affaire Jean Pormanove : il était possible de couper l’accès à la chaîne et/ou à Kick   

Il aura fallu un drame pour nous rappeler qu’il se passe des choses plus que choquantes en ligne. Au-delà de la mort en direct[1] du streamer Jean Pormanove (de son vrai nom Raphaël Graven), ce sont surtout les mauvais traitements que ce dernier a pu subir qui laissent interrogatifs. Comment une plateforme a pu laisser diffuser ce type de vidéos de façon répétée sans intervenir ? Le diffuseur, Kick, est une plateforme australienne sans siège social au sein de l’Union européenne qui s’est spécialisée dans la diffusion de flux en direct. Jean Pormanove, accompagné de deux streamers, ont diffusé des vidéos dans lesquelles le premier subissait différentes brimades et autres vexations de ses acolytes. Moyennant paiement, le public qui regardait les vidéos pouvait demander en direct que soit infligés tel ou tel sévices. Ces vidéos permettaient aux trois streamers de recevoir une belle rémunération au vu de l’audience qu’ils pouvaient susciter. On peut penser que Kick aurait dû réagir en interrompant la diffusion de la chaîne mais rien n’a été fait après la publication fin 2024 de l’enquête réalisée par Mediapart ni après l’alerte lancée en février 2025 par la présidente de la Ligue des droits de l’homme auprès de l’ARCOM. Au-delà de la responsabilité pénale des streamers[2] ou du diffuseur[3], et même de la responsabilité morale des spectateurs, il est aujourd’hui légitime de s’interroger sur la régulation de ce type de diffusion. Pour le dire autrement, plusieurs procédures existent pour empêcher ce genre de diffusion sur une chaîne de télévision ou par un service de vidéo à la demande. Mais en l’absence de réaction de Kick, était-il et est-il possible d’obliger les gestionnaires de la plateforme de modérer ce type de vidéos problématiques ?

Les règles de compétence territoriales découlant de la Directive SMA rendent inapplicables au cas d’espèce les dispositions sur les plateformes de partage de vidéos (PPV) intégrées à la loi de 1986 en décembre 2020 (articles 59 à 61). 

Plusieurs solutions juridiques existent. Si certaines sont inapplicables (dispositions sur les plateformes de partage de vidéo de la loi de 1986, jurisprudence « lancer de nain ») et d’autres sont encore en phase de « rodage » (DSA), l’article 6-3 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), dans sa rédaction issue de la loi SREN du 21 mai 2021 aurait permis de bloquer la diffusion de la chaîne Jean Pormanove, voire de couper plus largement l’accès à la plateforme Kick. N’importe qui aurait pu saisir le juge, mais rien n’a été fait. 

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