[box style=”5″] Malgré l’avis défavorable du Gouvernement, les députés réunis en séance publique hier soir ont adopté deux amendements similaires (N°256 et N°269) au projet de loi de finances rectificative pour 2016 (PLFR 2016) de plusieurs députés socialistes (dont Valérie Rabault, rapporteure générale), visant à intégrer dans l’assiette de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes et opérations assimilées (taxe vidéo et VàD) les recettes publicitaires et de parrainage de « tout opérateur, quel que soit son lieu d’établissement, proposant un service en France qui donne ou permet l’accès, à titre onéreux ou gratuit, à des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles ou autres contenus audiovisuels ».
Le projet de loi de finances rectificatives pour 2016 doit désormais être examiné au Sénat, le 14 décembre en Commission des finances et du 15 au 17 décembre en séance publique.
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La taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes, régie par l’article 1609 sexdecies B du Code général des impôts, est acquittée, depuis la loi du 18 juin 2003, par les opérateurs de services de de « vidéo à la demande » établis en France qui permettent, moyennant paiement, de visionner sur demande individuelle des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles au moyen d’un procédé de communication électronique. Elle est assise sur le chiffre d’affaires, à un taux de 2 % (majoré à 10 % s’agissant des œuvres pornographiques ou d’incitation à la violence).
Si le dispositif adopté laisse ce taux inchangé, il en élargit l’assiette– aujourd’hui uniquement constituée du prix payé par les utilisateurs- aux recettes publicitaires et de parrainage, ainsi que le champ des redevables en intégrant les opérateurs situés à l’étranger qui diffusent des contenus à destination du public français, et s’applique quel que soit le modèle économique de vidéo à la demande (payant ou gratuit). Il prévoit également, pour tenir compte de la spécificité des contenus audiovisuels comprenant une part importante de contenus amateurs, un abattement de 66%, et exclut les services dont les contenus audiovisuels sont secondaires.
Les auteurs de l’amendement justifient leur démarche par la nécessité d’ « assurer l’égalité de traitement entre les redevables localisés en France et ceux établis à l’étranger ». Une telle extension génèrerait toutefois une augmentation du montant de la taxe VàD d’environ 1 million d’euros seulement, un rendement marginal dans le financement de la création, comme l’avait précédemment relevé le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) dans son rapport « l’économie numérique de la distribution des œuvres et le financement de la création » rendu en septembre dernier. Constat réitéré par le secrétaire d’Etat au budget Christian Eckert lors des débats d’hier, qui estime que le dispositif proposé ne répond pas là à la question de l’optimisation fiscale agressive. « La taxation des géants numériques se réglera au niveau international», ajoute-t-il. Ce dernier craint par ailleurs que le recouvrement de cette taxe soit « extrêmement aléatoire ».
Ces amendements s’inscrivent dans la lignée de plusieurs initiatives parlementaires visant à renforcer la fiscalité des multinationales du numérique depuis octobre 2016. A l’occasion de l’examen de la première partie du PLF 2017 d’une part, des députés de la majorité, dont la rapporteure générale, ont soutenu la mise en place d’un dispositif similaire, lequel a été adoptée en commission des finances pour finalement être rejeté en séance publique la semaine suivante, sur invitation du Gouvernement. En outre, à l’occasion de l’examen des articles non rattachés de la deuxième partie du PLF 2017, les députés ont adopté un amendement N°II-1085 de M. Galut (SER) qui propose de réintégrer les « profits détournés » par les multinationales dans l’assiette de l’impôt sur les sociétés, et pose le principe d’une territorialisation de l’imposition, en s’attaquant aux prix de transfert abusifs pratiqués par certaines entreprises et en visant, conformément aux préconisations du projet BEPS de l’OCDE, les montages n’ayant pour autre but que d’éluder ou d’atténuer l’impôt dû en France.