Google vient de célébrer la première année d’existence du projet AMP (Accelerated Mobile Pages) dont l’objectif est d’accélérer le chargement des contenus sur le web mobile. Le projet open source est né de conversations avec les éditeurs européens via la Digital News Initiative de Google. Un an après son lancement, les éditeurs semblent satisfaits des résultats sur leur lectorat et en termes de génération de trafic. Pourtant, AMP en tendant à devenir le futur standard pour le référencement sur mobile pose de nouveau la question du poids occupé par les grandes plates-formes propriétaires.
Un format mobile qui semble faire ses preuves
Le projet AMP lancé l’an dernier par Google permet de rendre l’affichage des pages web sur mobile beaucoup plus rapide (gains de 15% à 85%) grâce à l’allègement des pages et l’utilisation du cache sur le cloud. Google a réussi à mettre au point un système de diffusion de contenus (Content delivery system) quasi-instantané, grâce à la reconstruction à la volée du code HTML, le rendant compatible avec tous les navigateurs mobiles et tous les appareils. Grâce à une ergonomie et un confort de lecture optimisés, l’objectif est de conserver les audiences sur le web mobile, et réduire le poids des applications.
La communication de Google au début du mois d’octobre pour célébrer le premier anniversaire d’AMP aura été à la hauteur des attentes placées par Moutain View dans son nouveau standard. Outre une infographie traduite dans de nombreuses langues et montrant les excellentes performances d’AMP, Google a également organisé la publication de plusieurs études de cas tendant à prouver ses impacts bénéfiques pour les éditeurs partenaires. D’abord, ce sont désormais 600 millions de documents AMP qui ont été publiés. Ces dernières se chargent 4 fois plus vite que les autres et utilisent 10 fois moins de bande passante. Du côté des éditeurs, Washington Post, The Daily Dot, The Miami Heral), Gizmodo, Slate et Wired font état de métriques encourageantes depuis l’utilisation d’AMP pour publier leurs articles. Parmi les chiffres mis en avant par Google, on retient notamment des critères d’acquisition de nouveaux visiteurs (90 % du trafic obtenu sur les pages AMP pour le site du Daily Dot et 80% du trafic AMP chez Gizmodo) ; des temps de visite plus élevé (10% de temps en plus sur les pages AMP du Miami Herald par rapport aux versions web mobile classiques) ; un trafic plus important en provenance de Google Search (pour Slate, une hausse de 44 % sur le nombre de visiteurs uniques mensuels provenant de Google Search) ; la fidélisation des mobinautes (hausse de 23% pour le nombre de lecteurs du Washington Post qui reviennent après 7 jours grâce à AMP) et enfin, une meilleure monétisation (Wired avance des taux de clic sur les publicités 63 % plus élevé sur les documents AMP). Concernant ce dernier aspect, Google met également à l’honneur une étude réalisée par la plateforme de native advertising, plista qui a conduit une recherche avec des médias allemands pour évaluer l’impact d’AMP sur la rapidité et la profitabilité de sa solution. La moyenne des taux de clics pour les éditeurs aurait augmenté de 220% en moyenne, allant jusqu’à 600% pour certains. Les chiffres sont évidemment à mettre en perspective, certains titres comme Miami Herlad ou the Daily Dot bénéficiant du soutien de l’agence Relay Media, spécialisée dans l’adaptation à AMP et dirigée par un ancien de la Digital News Initiative de Google.
Reste que l’offensive de charme de Google pour convaincre des bénéfices d’AMP passe également par le déploiement de nouveaux outils pour les éditeurs. Contrairement à Facebook Instant Articles, il est important de rappeler que ces derniers sont partis-prenantes du projet depuis le début au sein de la Digital News Initiative. C’est donc un format né d’une collaboration entre Google et les éditeurs, Google promettant d’assurer l’adaptabilité du format en fonction des besoins de ses partenaires (prise en compte des solutions de paywall, simplicité technique, respect des usages des critères pour le SEO …). C’est dans cet esprit que le géant du web a lancé le 13 octobre un nouveau validateur pour les pages au format AMP, indiquant les éventuelles erreurs rencontrées dans le code et proposant un bouton de partage des informations. Ce nouvel outil de test et validation AMP se veut simplissime pour les éditeurs qui n’ont qu’à taper une URL et pour afficher le code HTML et les éventuelles erreurs rencontrées. Un seul clic sur une erreur indique quelles lignes du code sont concernées et permet de les résoudre simplement. En outre, le nouvel outil permet également d’afficher le contenu tel qu’il apparaîtra dans les résultats du moteur de recherche et un bouton de partage permet d’envoyer des données à d’autres participants impliqués dans un projet de développement AMP.
Un partenariat réel ou une nouvelle contrainte pour les éditeurs ?
La montée en puissance d’AMP qui représenterait désormais aux Etats-Unis entre 10 et 15% des pages vues mobiles (12% pour USA Today et son réseau de sites) ou plus modestement du trafic Search des éditeurs (14% pour The Verge), menace ceux qui en sont absent d’être moins visibles et de voir leur audience Google actualités reculer massivement. L’engagement de Google derrière le nouveau format conduit AMP à incarner progressivement le web mobile. La situation est d’autant plus compliquée pour les absents que Google reste pour la plupart leur principal apporteur de trafic sur le mobile.
Dès lors, la frontière est ténue entre les opportunités que représente AMP pour les éditeurs qui peuvent espérer voir leurs articles remonter dans le format carrousel de Google actualité, s’accaparant ainsi une part importante du trafic mobile lié à la recherche correspondante, et les contraintes liées au format. D’abord, malgré la démarche partenariale revendiquée, AMP possède des restrictions techniques très strictes qui peuvent handicaper les éditeurs. Ainsi, tous les players vidéo ne sont pas encore pris en charge même si Google a intégré Dailymotion, absent au lancement. Concernant les formats publicitaires, les contraintes sont également importantes. Tous les adserver utilisés par les éditeurs ne sont pas compatibles. Et Google utilise ouvertement le nouveau standard mobile AMP pour écarter certains formats non désirés (l’interstitiel notamment, jugé trop intrustif ou les différents habillages de page). De plus, certaines régies seulement peuvent être utilisées pour bénéficier de toutes les fonctionnalités comme l’affichage dynamique des publicités et la mesure de leur audience (69 régies à date ).
Surtout, malgré la philosophie plus ouverte de Google que celle de Facebook (Instant Articles) ou pire d’Apple (News), le format AMP reste un format propriétaire qui utilise certes les standards du web, HTML et Javascript, mais se substitue aux normes définies par le World Wide Web Consortium. En s’appuyant sur un framework open-source, même s’il reste donc moins fermé que les autres standards propriétaires, AMP fait bien figure de standard parallèle. Les nouvelles pages HTML AMP doivent bien répondre à des restrictions imposées par Google afin de ne pas ralentir le chargement. Les éditeurs sont donc de nouveau contraints, devant s’adapter à la technologie. AMP ne résout donc pas mais au contraire amplifie la question de la domination des formats propriétaires pour la publication des contenus sur le web.
Enfin, il existe un risque potentiel, pour l’instant exclu par Google, de voir son algorithme d’indexation favoriser les formats AMP sur les autres. Si AMP n’est pas aujourd’hui un critère direct de référencement, la rapidité d’affichage des pages, de même que le format « Mobile Friendly » font néanmoins partie des critères pris en compte par l’algorithme de Google. De plus, malgré l’absence de confirmation officielle pour l’instant, des rumeurs de plus en plus précises laissent à penser que Google se préparerait à lancer un nouvel index mobile prioritaire par rapport à l’index actuel avec des mises à jour plus fréquentes. Si c’était le cas, il est difficile de croire que cette double indexation avec un nouvel index spécifique pour les utilisateurs mobiles, ne favorisent pas d’une manière ou d’une autre les documents AMP.