L'édito de Philippe Bailly

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YouTube Kids se lance en France

Google a lancé en France le 16 novembre dernier son application YouTube Kids. Lancé aux Etats-Unis en février 2015, l’application gratuite permet d’accéder à une interface et des contenus dédiés aux plus jeunes.

Une version plus sûre de YouTube pour les enfants

YouTube Kids elogost disponible en France depuis le 16 novembre dernier. Le service est uniquement accessible par le bais d’une application gratuite et disponible sur Android et iOS qui ne nécessite pas un compte Google. L’application est compatible avec la Chromecast et l’Apple TV pour une utilisation sur un téléviseur. Avant la France, YouTube Kids a d’abord été lancé aux Etats-Unis en février 2015 puis progressivement dans 26 autres pays dont notamment le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie en novembre 2015. Le service est une version modifiée de YouTube destinée aux enfants qui propose sa propre interface simplifiée et seulement une partie des contenus disponibles sur la plate-forme américaine. L’interface est ainsi très épurée et décomposée en seulement quelques catégories illustrées afin de faciliter son utilisation par un enfant en bas-âge. En outre, à la fois pour des raisons de simplification et de sécurité, YouTube Kids a écarté deux des fonctionnalités majeures de YouTube en supprimant les commentaires et la possibilité d’uploader des contenus.

L’objectif principal de l’application est selon Google de « fournir un moyen d’exploration plus sûr de YouTube » pour un public familial. De fait, l’application propose de nombreux éléments de sécurisation. D’une part, les vidéos disponibles via l’application sont filtrées pour convenir à un « environnement familial ». Ainsi, les utilisateurs de l’application ne peuvent accéder qu’aux contenus disponibles sur YouTube ayant été considérés comme adaptés aux enfants par l’algorithme du service ou pour une minorité d’entre eux directement choisis par les équipes de YouTube. Le service précise cependant dans son guide d’utilisation de l’application que son algorithme n’est pas infaillible et qu’il est possible dans de rares cas qu’un enfant puisse être confronté à un contenu qui ne lui était pas destiné. Lors de différents tests réalisés par NPA Conseil, aucun contenu pouvant être considéré comme inapproprié n’a été proposé par le service par les recommandations ou lors d’une recherche. Néanmoins, Le Parisien rapporte que lors de tests effectués par ses journalistes avec la recherche sur le mot clé « dauphin », une vidéo sur la reproduction des mammifères marins leur avait été proposée. Néanmoins, ce cas semble relativement rare et l’immense majorité des contenus accessibles convient aux enfants d’autant plus que le service propose d’autres fonctionnalités de sécurisation des contenus.

En effet, un des élémminuteurents mis en avant par YouTube est l’existence de fonctionnalités de contrôle parental dans l’application. Le paramétrage du contrôle parental est accessible par un menu protégé par un code d’accès afin que les enfants ne puissent le modifier. La première fonctionnalité est un minuteur qui permet de définir le temps maximal (entre 1 minute et deux heures) pendant lequel l’enfant pourra accéder aux vidéos. Une fois ce délais écoulé, l’application se verrouille et ne pourra être débloquée que par un code secret. Le contrôle parental permet également de définir le type de programmes disponibles sur l’écran d’accueil en fonction de l’âge de l’enfant avec une option enfants en bas âge (3-4 ans) et une option enfants d’âge scolaire (4-9 ans). Enfin, il est possible de supprimer l’accès à la barre de recherche ce qui interdit donc l’accès aux contenus en dehors de la partie éditorialisée et des recommandations algorithmiques.

Une éditorialisation manuelle et algorithmique

YouTube Kids propose sur sa page d’accueil une organisation des contenus en 5 catégories avec d’une part un onglet recommandation qui affiche des contenus en fonction des goûts identifiés de l’utilisateur mais surtout à la grande différence de sa plate-forme d’origine 4 onglets thématiques fixes. Parmi ces onglets on retrouve les catégories suivantes:

Emission : qui regroupe des séries pour enfant essentiellement d’animation

-Musique : qui regroupe des clips, de la musique de dessins animés mais aussi des comptines.

Apprendre : qui regroupe des contenus pédagogiques

-Découvrir : dont la thématique est plus floue mais qui propose notamment de nombreux tutoriels autour du sport et des arts plastiques.

La composition en ctrotroontenus des catégories de YouTube Kids présente là aussi une différence fondamentale avec YouTube puisqu’une partie des contenus est sélectionnée manuellement par ses équipes, là où le service original ne propose que des recommandations algorithmiques. En effet, si des dizaines de millions de contenus sont disponibles pour les enfants sur YouTube, le service a sélectionné pour son lancement en France 128 programmes jeunesse pour les mettre en avant sur la page d’accueil. Ces contenus, tous en français et en grande partie d’origine française, ont été sélectionnés parmi les catalogues d’un certain nombre de partenaires au premier rang desquels France Télévisions (Francetvmcn), Xilam ou encore Disney. Le service agrège également certains contenus de YouTubeurs spécialisés dans les contenus destinés aux enfants. Le service a d’ailleurs récemment publié un tutoriel à destination des créateurs pour les aider à créer des contenus adaptés à YouTube Kids. Il est cependant important de noter que ces contenus ne sont pas des exclusivités YouTube Kids mais des contenus disponibles sur la version original de YouTube et seulement mis en avant sur la page d’accueil de YouTube Kids. Il ne s’agit donc pas d’acquisition mais bien de partenariats, YouTube bénéficie ainsi de contenus premiums pour sa nouvelle application tandis que les ayants-droits peuvent s’attendre d’une part à une hausse du nombre de vues grâce à une meilleure exposition et d’autre part à une meilleure monétisation grâce à des publicités plus ciblées sur l’application. Ce compromis semble avoir particulièrement convaincu le MCN de France Télévisions puisque l’on retrouve tous ses contenus jeunesse phares en page d’accueil dont notamment Petit Ours Brun, C’est pas Sorcier, T’Choupi et Les Lapins Crétins.                  

Néanmoins, au-delà de ces programmes sélectionnés manuellement, l’éditorialisation des catégories de la page d’accueil est basée également sur l’algorithme de YouTube Kids qui d’une part sélectionne uniquement des contenus appropriés aux enfants mais est également capable d’effectuer des recommandations générales et thématiques. L’algorithme est en outre localisé et propose essentiellement des contenus en français.

Capitaliser sur le succès de YouTube sur la cible jeunesse

Avec cette application, YouTube entend renforcer encore le succès de sa plate-forme auprès des plus jeunes, une cible qui constitue un des moteurs de sa croissance. Ainsi, selon Future Source, sur trois des principaux marchés de YouTube (Etats-unis, Royaume-Uni et Allemagne), 80% des enfants utilisent YouTube de manière régulière et près d’un tiers d’entre eux y consomment plus de 5 heures de contenus par semaine. En France, selon une étude de Lagardère Publicité et Gulli menée avec Ipsos, près de 63% des enfants regardent régulièrement des contenus en streaming. YouTube Kids a donc pour objectif de capter une part encore plus importante de ce gigantesque réservoir d’audience en renforçant la sécurité de son environnement qui constituait jusqu’alors une des principales raisons de la méfiance de certains parents vis-à-vis du service.

Le succès de l’application semble cependant modéré pour l’instant. En effet, depuis son lancement aux Etats-Unis en février 2015, YouTube Kids a été téléchargé plus de 10 millions de fois sur le Play Store Android, ce qui la place très loin de la version originale de YouTube avec son milliard de téléchargement sur Android seul. Néanmoins, selon Google, 10 milliards de vidéos ont été vues sur YouTube Kids ce qui constitue de premiers résultats encourageants pour un service spécialisé et disponible uniquement sous forme d’application. En outre, le lancement dans un nombre croissant de pays semble indiquer que YouTube a été satisfait des premiers lancements dans les pays anglo-saxons.

En termes de revenus, YouTube n’a pas dévoilé les résultats de son application qui doit faire face à certaines contraintes publicitaires. En effet, comme son aîné, YouTube Kids intègre de la publicité mais qui a dû être adaptée à l’audience cible. En effet, pour ne pas exposer les enfants à un nombre trop important d’annonces, YouTube Kids affiche des publicités de manière « limitée». Concrètement, l’application n’intègre que des publicités pré-roll et écarte un certain nombre de thématiques jugées inappropriées parmi lesquelles les publicités pour la nourriture, les boissons et les jeux vidéo. Reste que malgré ces limitations, YouTube Kids présente l’avantage déterminant de donner accès à une audience spécifique et donc de proposer des espaces ciblées aux annonceurs.

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YouTube Kids, un SMAD ?

Les particularités de YouTube Kids par rapport à la plate-forme d’origine soulèvent les interrogations sur son statut juridique. La sélection manuelle des contenus est ainsi clairement indiquée dans le Guide de YouTube Kids à destination des parents où elle est mentionnée à plusieurs reprises : « Les vidéos disponibles dans l’application sont sélectionnées à l’aide d’algorithmes, des informations saisies par l’utilisateur et d’examens par nos équipes », « Certains contenus sont présélectionnés » ou encore « Le contenu présélectionné fait l’objet d’un contrôle qualité plus poussé, car il est examiné manuellement par nos équipes ». Par conséquent, l’application propose des contenus sélectionnés et organisés par les équipes de YouTube ce qui la fait correspondre à la définition d’un SMAD telle qu’établie par la loi française.

 

La Commission Européenne considère également que YouTube Kids est un SMAD. Dans le cadre des discussions sur la réforme de la Directive SMA intervenues en début de semaine, la représentante de la Commission a ainsi déclaré : « lorsqu’il y a sélection de contenu avant le télé-versement, la Commission ne parle pas de plateforme de partage vidéo. Dans ce cas, on parle de service avec ses propres responsabilités : ça pourrait par exemple être une chaîne sur YouTube, ça pourrait être YouTube qui a un service comme YouTube Kids par exemple, sur lequel ils exercent un contrôle, et dans ce cas les règles qui s’appliquent sont celles pour les SMAD ».

 

Cependant, étant donné que YouTube Kids est édité par YouTube LLC établie en Californie, ni le décret SMAD ni la directive SMA ne semblent pouvoir s’appliquer. Par conséquent, malgré son statut, YouTube Kids n’est pas soumis pour l’instant aux obligations applicables aux éditeurs de SMAD.

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