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Les arrêtés portant extension des accords professionnels du 6 juillet 2017 sur la « transparence des comptes et des remontées de recettes en matière de production audiovisuelle » et la « transparence des relations auteurs-producteurs et la rémunération des auteurs » ont été publiés au Journal officiel la semaine dernière, quelques jours après les arrêtés concernant la filière cinématographique. Ces accords ont pour objet d’exposer de façon transparente le rôle de chaque maillon de la chaîne dans le mécanisme de remontée des recettes et d’adapter le dispositif de reddition de comptes, de renforcer le mécanisme de rémunération au bénéfice des auteurs, d’harmoniser les usages et la définition des « recettes nettes part producteur », et enfin de définir le coût d’une œuvre et l’assiette des recettes d’exploitation qui amortissent ce coût.
Les deux accords sont conclus pour une durée de 3 ans, le premier étant tacitement reconductible par période de 3 ans, contre 1 an seulement pour le second.
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Une transparence accrue dans la remontée des recettes et des informations
La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine a défini le cadre de la transparence des comptes d’exploitation des œuvres audiovisuelles. La forme du compte d’exploitation, la définition des « encaissements bruts » et des coûts d’exploitation ainsi que les conditions dans lesquelles est négociée la commission (du distributeur) opposable (au producteur) ont néanmoins été déterminées par l’accord signé le 6 juillet 2017 entre les syndicats de représentants des producteurs, le SEDPA et les représentants d’Arte France, des groupes Canal+, France Télévisions et TF1, de Jeunesse TV (société éditrice de Gulli) et NRJ 12/Chérie HD. Celui-ci s’applique aux œuvres audiovisuelles appartenant aux genres de la fiction, de l’animation, du documentaire de création et de l’adaptation audiovisuelle de spectacle vivant admises au bénéfice des aides financières à la production du CNC.
L’accord précise tout d’abord l’ensemble des informations devant être présentes dans le compte d’exploitation (montant total des encaissements, commission du distributeur, frais déductibles, minimum garanti, état des ventes du programme…). Il définit ensuite précisément les « recettes brutes » qui sont constituées des montants hors taxe encaissés par le producteur et/ou toute personne chargée des mandats de commercialisation de l’œuvre au titre de toutes ses exploitations, en toute langue et version, dans le monde entier. Elles comprennent les recettes tirées de cessions de droits d’exploitation ainsi que celles de « merchandising ». Plusieurs éléments au contraire sont spécifiquement exclus de ces recettes : les recettes conservées par le distributeur ayant acquis les droits d’exploitation de l’œuvre en couverture d’un minimum garanti, celles versées aux pré-financeurs en contrepartie de leur investissement dans la production de l’œuvre ou celles conservées par le coproducteur étranger de l’œuvre…
Renvoyant à l’accord du 19 février 2016 sur la transparence pour déterminer le point d’amortissement de l’œuvre[1], le nouvel accord précise également que le crédit d’impôt « ne constitue pas une recette d’exploitation de l’œuvre ».
S’agissant des commissions de vente versées au distributeur (ou au producteur lorsqu’il prend en charge lui-même la distribution de l’œuvre), celles-ci peuvent être « opposées aux différents ayants-droit » sur l’assiette des recettes brutes. En fonction du type de distribution, différents taux d’opposabilité aux ayants-droit s’appliqueront : les frais et commissions peuvent faire l’objet d’un plafond, d’un forfait, ou être opposés à frais « réels ». Par exemple, en cas de recours à une capacité de distribution interne par un producteur, celui-ci pourra prélever une somme forfaitaire de 20 % des recettes brutes hors taxe encaissées pour des exploitations commerciales en France et en Europe francophone, ou 30 % pour des exploitations commerciales dans le reste du monde.
Les distributeurs s’engagent par ailleurs à « faire preuve de diligence » pour fournir aux producteurs la documentation fiscale requise permettant de bénéficier d’un taux réduit de retenue à la source, conformément aux conventions fiscales internationales en vigueur, afin qu’il puisse en tenir compte dans les recettes brutes. Toutefois, ils ne seront pas tenus de transmettre l’ensemble des échanges avec les autorités fiscales jusqu’à la déduction d’impôts effective – une obligation qui aurait pu être excessivement lourde pour de plus petites entreprises.
En matière d’information des auteurs, l’accord prévoit que le producteur devra transmettre aux auteurs, à compter de l’exploitation de l’œuvre, au moins une fois par an, le compte d’exploitation pour l’ensemble des modes d’exploitation et des territoires, y compris ceux pour lesquels les auteurs sont rémunérés par la gestion collective.
De leur côté, les organismes de gestion collective devront notifier aux représentants des producteurs audiovisuels, au moins une fois par an, toute évolution des modes d’exploitation et listes de territoires qu’ils couvrent.
[1] Point d’amortissement de l’œuvre : déterminé après recoupement de l’apport du/des producteur(s) délégué(s) dans le financement définitif par une part du crédit d’impôt dont l’œuvre a bénéficié. Cette part du crédit d’impôt est égale au ratio financement des chaînes de télévision sur le coût définitif de l’œuvre, plafonnée à 75 %.
Une méthode de calcul harmonisée des « recettes nettes part producteur »
Dans un communiqué, la SACD se félicitait de la signature d’un accord qui, « en parvenant à une définition harmonisée des recettes nettes part producteur (RNPP) quand elles servent de base à la rémunération des auteurs » (pour une exploitation non couverte par un organisme de gestion collective), devrait « améliorer la qualité, la fréquence et la précision des redditions de comptes faites aux auteurs ». Pourtant d’usage courant, ces recettes ne faisaient l’objet d’aucune définition commune à la filière.
Ainsi, les RNPP sont calculées pour chaque mode d’exploitation et pour chaque territoire selon des règles et principes déterminés par l’accord. Les recettes nettes obtenues sont additionnées pour former une « assiette globale de RNPP ». Elles doivent couvrir dans un premier temps l’apport du producteur, et font ensuite l’objet d’une répartition entre les différents ayants-droit disposant d’un droit à recettes après amortissement de l’œuvre.
Le minimum garanti pour l’auteur « remboursé » dès l’amortissement du film
Grande nouveauté saluée par la Scam dès la signature de l’accord par les représentants des auteurs et des producteurs sur la transparence de leurs relations, un nouveau mécanisme de gestion individuelle devrait permettre de renforcer le droit à rémunération des auteurs. Si les usages ont « consacré le versement par le producteur à l’auteur, en amont de l’exploitation de l’œuvre, de sommes forfaitaires » qui peuvent avoir la nature de minimum garanti, le producteur se remboursait par la suite sur l’ensemble des sommes dont il était redevable à l’auteur au titre de sa rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation. Constatant ainsi « la difficulté de compenser » les auteurs, les parties à l’accord ont convenu d’un nouveau dispositif qui prévoit que dès lors que l’œuvre est amortie, le minimum garanti sera considéré comme remboursé, et le producteur devra alors verser à l’auteur les rémunérations proportionnelles qui lui sont dues au titre du Code de la propriété intellectuelle et en application du contrat de production.
De plus, le producteur ne peut pas exiger de l’auteur un remboursement de tout ou partie de ce minimum garanti s’il s’avère que l’ensemble des sommes qui doivent revenir à l’auteur est inférieur au montant du minimum garanti et/ou si le coût de l’œuvre n’est pas amorti. La Scam s’était réjouie « d’avoir enfin pu obtenir la remise en cause d’une pratique qui empêche bien souvent les auteurs de percevoir des pourcentages sur les exploitations qui ne relèvent pas de sa gestion collective ».