Le nouveau ministre a été interrogé par les députés sur le budget de la culture pour 2019, l’occasion pour lui de prendre position sur des points clés dans la perspective de la réforme audiovisuelle.
Dans ses propos liminaires, M. Riester a affirmé qu’il inscrira son action « dans la continuité de celle de Mme Nyssen » et dans le cadre de la feuille de route fixée par le Président et le Premier ministre.
Concernant le projet de loi de finances, pour le nouveau ministre, il s’agit d’un « bon budget pour la culture », avec une augmentation de 17 millions d’euros par rapport à 2018 pour atteindre 3,65 milliards en ce qui concerne le ministère. En prenant en compte l’ensemble des ressources affectées notamment à l’audiovisuel public et les diverses taxes affectées, « ce sont plus de 9,7 milliards qui seront consacrés pour mettre en œuvre les priorités du gouvernement en matière culturelle », précise-t-il.
Sur la transformation de l’audiovisuel, le ministre de la Culture a rappelé qu’il s’agit de faire « émerger un audiovisuel public plus proche des jeunes ». La question de la pérennité de ses ressources se pose. « Je plaiderai pour que des arbitrages soient faits le plus précocement possible mais cela nécessite d’en reparler » avec les députés et le ministère de l’Economie et des Finances. Il a également félicité le président et la rapporteure de la mission d’information pour une nouvelle régulation audiovisuelle à l’ère numérique, qui ont réalisé un « travail considérable, à la fois en termes d’ampleur des sujets traités et de la concertation des professionnels ». Pour Franck Riester, « c’est avec raison qu’ils proposent par exemple d’assouplir la régulation actuelle pour que les acteurs traditionnels puissent lutter à armes égales avec les GAFAN ». Nombre des propositions du rapport seront « très certainement reprises dans le projet de loi qui sera présenté au printemps prochain ».
Le ministère prendra le temps d’expérimenter sur le Pass culture
Concernant la mission « Culture », plusieurs députés ont interrogé le ministre sur l’une de ses mesures phares, le « Pass culture ». Pour Brigitte Kuster (LR), Emmanuelle Anthoine (LR) et Laurent Garcia (MoDem), ses modalités de financement et potentiels partenaires privés restent encore trop flous. Sylvie Tolmont (SOC) considère qu’il « est l’exemple type de l’impasse budgétaire dans laquelle vous êtes », et que les 34 M€ pourraient alloués à d’autres missions plus prioritaires. Pour le groupe GDR, Elsa Faucillon a souligné le fait que certaines régions sont des « zones blanches culturelles » dans lesquelles les jeunes ne pourront profiter pleinement de leur enveloppe de 500 euros.
Franck Riester estime qu’à partir du moment où il n’y a pas de dérive, « nous devons diversifier les ressources avec différents acteurs du privé », fondations ou entreprises. Le « Pass culture » devra proposer « une palette de produits et services culturels pertinents, avec un algorithme de présentation en fonction des choix, désirs et envies des jeunes ». M. Riester revendique néanmoins « le fait d’expérimenter et de prendre le temps, de trouver les montages financiers juridiques et culturels qui permettront de trouver un public ». Après avoir étudié les modalités d’accompagnement financier par les partenaires de l’Etat, le ministre compte aborder la question, avec les députés, de son extension à toute la France « et pourquoi pas à tous les français ».
La rémunération des auteurs est le « socle de l’exception culturelle »
Céline Calvez, rapporteure pour avis sur la mission « Médias » a soulevé la nécessité de revoir les règles encadrant la détention de droits par les diffuseurs sur les œuvres qu’ils commandent auprès de producteurs indépendants : « Les nouveaux acteurs sont de nouvelles sources de financement. Si Netflix peut se permettre de proposer des contenus originaux c’est car il peut en retirer les fruits. Les diffuseurs ne doivent pas avoir tous les droits, mais un meilleur équilibre doit pouvoir être trouvé pour que les risques et les bénéfices puisent être partagés ». La députée considère également « qu’un peu de souplesse doit être recherchée dans les obligations des uns et des autres », et que la dichotomie entre le cinéma et l’audiovisuel n’a aujourd’hui « plus lieu d’être ». Enfin, elle propose de sanctuariser, par voie d’amendement, l’investissement du service public dans la création audiovisuelle et cinématographique à hauteur de 560 millions d’euros par an.
Pour le ministre de la Culture, le fléchage par amendement d’une part des ressources de l’audiovisuel public vers la création audiovisuelle pourrait rendre la CAP incompatible avec le dispositif tel que validé par la Commission européenne.
Sans répondre aux questions de la rapporteure sur les relations entre producteurs et diffuseurs, Franck Riester a abordé le sujet de la réforme des aides du CNC. Il explique que le rendement des taxes affectées au Centre est stable alors que le montant des aides augmente (+40 % en 10 ans), en particulier les aides automatiques, ce qui rend nécessaire une « maîtrise des dépenses ». Il soutient la réforme visant un rééquilibrage des aides vers des œuvres plus « numériques, créatives, originales » ou « exportables ».
En réponse à des questions de Mmes Calvez et Bergé sur la rémunération des auteurs à l’ère des plateformes numériques, dont une en particulier qui « ferait signer de contrats léonins aux auteurs », le ministre a réaffirmé son attachement à leur rémunération proportionnelle, « socle de l’exception culturelle ». Il en a profité pour rappeler que le quota de 30 % d’œuvres européennes dans les catalogues des services SVOD (y compris établis à l’étranger) visant le public français « sera transposé ».
La TOCE au cœur des inquiétudes des députés
Mme Duby-Muller (LR) a interrogé le ministre sur ses positions concernant la taxe sur les opérateurs de services de communication électronique (TOCE). Rappelant que Franck Riester avait auparavant souligné que « la taxe Copé a été détournée par la précédente majorité », elle lui a demandé si sa position sur le sujet a évolué. Selon elle, « le Gouvernement ferait mieux de reverser la TOCE à l’audiovisuel public ». Pour Pierre-Yves Bournazel (MoDem) également, c’est la baisse de l’affectation de la TOCE à l’audiovisuel qui vient renforcer la demande d’efforts faite à France Médias Monde, qui peut difficilement mener à bien ses missions dans ce contexte. Pourtant, le groupe est selon lui « un vecteur puissant de notre rayonnement et de notre culture ». Il estime donc qu’une véritable réflexion sur le financement de l’audiovisuel public doit être menée.
Selon Franck Riester, « la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France est essentielle ». C’est selon lui une chance d’avoir un outil au service du rayonnement de la France et de la francophonie. Il est toutefois nécessaire de continuer la « mutualisation de certains moyens ».
Sur la question de la TOCE, tout comme M. Bournazel, le ministre considère qu’il est nécessaire de remettre à plat le financement de l’audiovisuel public pour le rendre pérenne, « en prenant le temps pour en parler au sein du Gouvernement, du Parlement sur la base notamment du rapport Bergé ».
S’agissant de l’exposition de l’outre-mer, le ministre a annoncé qu’il réunirait avec Annick Girardin un groupe de travail parlementaire qui aura pour mission de proposer des engagements chiffrés et mesurables dont certains seront intégrés dans le cahier des charges de France Télévisions.
Répondant enfin à une question de Constance Le Grip (LR) sur la suppression de la publicité sur Radio France, Franck Riester assure qu’il est « favorable, sur le temps long, à sanctuariser un financement public pour l’audiovisuel public », mais que cela doit être fait au bon moment. Il est nécessaire tout d’abord « d’adapter l’organisation de l’audiovisuel public ».