Il faut retirer sa calculatrice au nouveau patron de la Premier League ! Emporté par l’enthousiasme, Richard Masters, qui a pris son poste en fin d’année dernière, jugeait ces derniers jours qu’avec 1/ un tarif mensuel de 9£, 2/ 100 millions de clients, et 3/ un taux de churn nul « car personne ne pourrait résister à ce prix », le service OTT auquel il annonce travailler pourrait porter les recettes du championnat anglais à 11 Md£ par an à l’horizon 2022. Coup de bluff vers les détenteurs de droits actuels (Sky, BT, Amazon) en vue du prochain cycle d’enchères ? Simple fascination un peu naïve pour les nouveaux modèles de distribution ? On est tenté de pencher pour la première hypothèse, tant la simple règle de trois montre vite ses limites.
S’agissant d’abord du tarif uniforme de 9£ auquel souscriraient 100 millions de foyers, dont trois quarts à trouver hors du territoire britannique (et en supposant que la pénétration y tangente les 100%), SFR a touché les limites de l’attractivité de la Premier League au moment où elle constituait son principal (et à l’époque unique) droit premium : bénéfice d’opportunité quand il s’ajoute à d’autres droits, mais pas véritable déclencheur d’abonnements en tant que tel.
Dans un monde où le « sans engagement » est devenu la règle, côté éditeurs et distributeurs, et dans lequel la gestion tactique des « entrées-sorties » dans l’abonnement tend à devenir la norme du côté des clients, parier sur un taux de churn nul, ou à peu près, apparaît hasardeux. Or chaque mois « manquant » dans l’équation de Richard Masters équivaut à une réduction de 900 M£ par rapport aux recettes escomptées.
Surtout, le modèle du nouveau patron de la Premier League se concentre sur les recettes, et elles seules, sans prendre en considération les coûts que génère la distribution OTT : gestion des infrastructures techniques, des abonnements, de la facturation, du recouvrement, du marketing…
On peine à croire que la « machine de guerre » Premier League soit passée à côté d’éléments aussi structurants.
Alors quoi ? Plutôt que de s’attarder à rechercher l’agenda caché des dirigeants du football anglais, il semble plus productif de détailler les objectifs des services OTT qu’ont déjà lancés UEFA, Serie A, LIGA et, bientôt Bundesliga : promotion des différentes compétitions, et valorisation de ces dernières dans des territoires au sein desquels elles sont peu ou mal exploitées. C’est à cet exercice que se consacre, notamment, cet INSIGHT NPA.
Au final, c’est plutôt cette direction que nous suggèrerions aux dirigeants du monde sportif : quitte à apprendre le saut périlleux, il est sans doute moins difficile d’apprendre le saut unique que de vouloir immédiatement aller vers le double saut !