Le 5 juin 2020, le conseil d’administration de la BBC a nommé Tim Davie, 53 ans, directeur général de la BBC. Actuellement directeur général de BBC Studios, il prendra la relève de Tony Hall dès le 1er septembre.
Un profil marketing et commercial
Si le manque d’expérience journalistique de Tim Davie a pu être pointé du doigt par certains de ses opposants, au sein d’un groupe qui place l’information au cœur de sa stratégie éditoriale, son expérience commerciale est unanimement célébrée comme un atout, à la mesure notamment de la pression que BBC subit pour rechercher de nouveaux modèles permettant d’assurer son financement.
Après des études d’anglais au Selwyn College de Cambridge, Tim Davie rejoint Procter & Gamble en tant que stagiaire en 1991. Nommé directeur du marketing britannique pour PepsiCo en 1993, il est promu vice-président, Marketing, Europe et Afrique subsaharienne, et en prend finalement le poste de vice-président du marketing et de la franchise.
Tom Davie rejoint la BBC en tant que directeur du marketing, de la communication et du public en avril 2005. En juin 2008, il est nommé directeur de l’audio et de la musique et siège au conseil d’administration du groupe avec la responsabilité globale de toutes les radios nationales de la BBC : BBC Radio 1, 2, 3 et 4 ainsi que les stations de radio numérique BBC Asian Network, BBC Radio 1Xtra, BBC Radio 6 Music et BBC 7.
Il devient en 2013 directeur général de la branche commerciale BBC Worldwide après la nomination à la tête de la Beeb de Tony Hall. BBC Worldwide fusionne en 2017 avec la division de production TV, BBC Studios, et Tim Davie est nommé directeur général du nouvel ensemble. Il travaille alors avec de nombreux diffuseurs, notamment américains, pour le financement des émissions de la BBC. En janvier 2019, il décline le poste de Directeur général de la Premier League.
« Accélérer le changement »
Après sa nomination à la tête du groupe, Tim Davie a déclaré : « Notre mission n’a jamais été aussi pertinente, importante ou nécessaire. Je suis profondément attaché à un contenu de la plus haute qualité et impartialité. Pour l’avenir, nous devrons accélérer le changement afin de servir tous nos publics dans ce monde qui évolue rapidement ».
Le nouveau directeur général va en effet devoir faire face aux différentes menaces qui touchent actuellement le groupe :
– la concurrence des géants du streaming, mieux armés d’un point de vue économique, et la perte du public jeune, pointée du doigt par un rapport de l’Ofcom en octobre 2019 ;
– la position de la BBC dans le domaine de l’information et le développement de son public sur les plateformes vidéos (YouTube, TikTok, Instagram, …) ;
– son financement, menacé avant le Covid par le Premier ministre qui accusait le groupe public d’avoir pris position contre le Parti conservateur lors des élections législatives ;
– en interne, le plan de restructuration de BBC News (suppression de 450 postes) ainsi que la fronde sur la question de l’égalité salariale.
Le modèle de diffusion de la BBC Three de nouveau en débat
Dans son plan annuel 2020-2021 publié le 20 mai, la BBC a confirmé qu’il existait « potentiellement de bonnes raisons de restaurer BBC Three en tant que canal linéaire » tout en maintenant son modèle de service en ligne. Mais rien n’est décidé pour l’instant et la saison 2020-2021 sera mise à profit pour réévaluer les habitudes d’écoute des jeunes adultes à l’aune des comportements liés au confinement et à la crise du Covid-19.
Il n’en reste pas moins que le seul fait d’évoquer cette potentialité a été abondamment commenté au Royaume-Uni et ailleurs comme un revirement de la BBC. Pour mémoire, le long processus engagé par le service public britannique en mars 2014 pour l’arrêt de la diffusion linéaire de la chaîne BBC Three était arrivé à son terme en février 2016. Les principaux enjeux étaient la réalisation d’une économie de 30 millions de livres par an ainsi que la nécessité de s’adapter pour répondre aux nouveaux usages des jeunes téléspectateurs, cœur de cible de la chaîne. La polémique ne s’est jamais vraiment éteinte au cours de ces six dernières années avec des positions très tranchées entre partisans du statu quo et défenseurs d’une nouvelle forme de télévision en ligne.
Aujourd’hui comme hier deux lectures restent possibles. La première est donc celle d’un revirement de la BBC qui a constaté, comme ailleurs en Europe, un véritable retour en grâce de la télévision linéaire pendant la crise sanitaire, notamment auprès des plus jeunes. Un argument appuyé par des données qui montrent que BBC Three touche moins les jeunes depuis qu’elle n’est plus disponible en linéaire : 8% des Britanniques âgés de 16 à 34 ans en moyenne chaque semaine en 2018/19 contre 22% en 2015/16. La BBC reconnaît aujourd’hui qu’il existe donc un large public linéaire potentiel pour les programmes de la chaîne.
La seconde lecture est plus avantageuse pour la BBC avec la reconnaissance d’une décision stratégique de bascule sur le numérique qui a largement porté ses fruits. Depuis l’extinction de son signal linéaire, BBC Three a fait la preuve de son originalité, de sa capacité à accompagner de nouveaux talents, et à créer d’énormes succès (Normal People, Killing Eve, Thirteen, This Country, Fleabag, etc.) lui permettant d’être distinguée comme « Channel Of The Year » à trois reprises en six ans. Pendant le confinement, Normal People a permis à BBC Three de rencontrer le plus gros succès de son histoire sur le iPlayer avec 33 millions de visionnages à fin mai et pas moins de 21,8 millions au cours des sept premiers jours de sa mise en ligne. Plus de 40% des demandes proviennent de jeunes adultes de moins de 35 ans. Des arguments pour les partisans du modèle actuel qui estiment que c’est grâce à BBC Three que la BBC est encore en mesure de rivaliser avec les géants du streaming Netflix ou Amazon auprès des plus jeunes. Remettre la BBC Three à l’antenne serait ainsi une reconnaissance publique de la capacité d’innovation de la chaîne.
Quoi qu’il en soit, le diffuseur public a décidé de doubler son budget au cours des deux prochaines années, celui-ci passant de 30/40 millions à 60/80 millions de livres sterling.