Le titre évoque une chronique politique, et les enjeux sont tout aussi sonnants et trébuchants que pour la réforme conduite à Bercy par Gérald Darmanin : est-il préférable, afin d’assurer le juste financement du cinéma et de la production audiovisuelle, de prévoir de la part des éditeurs une participation proportionnelle à leur chiffre d’affaires ? Ou faut-il plutôt raisonner en termes de montant cible idéal et à enveloppe fermée ?
On ne peut reprocher à Netflix d’avoir voulu explorer la question, alors que le gouvernement arrêtera au cours des prochaines semaines les modalités selon lesquelles les plateformes de SVoD (Amazon, Netflix, Disney+…) intégreront le système de contribution – obligatoire – éprouvé de longue date par les chaînes de télévision.
On peut regretter en revanche que les trois économistes dont il a « soutenu » les travaux n’y aient pas mis davantage de cœur à l’ouvrage. A lire par exemple que « Netflix avait annoncé récemment un partenariat pour diffuser certains matches de Ligue 1 de football », renvoyant en note de bas de page à un article des Echos… qui confirmait précisément l’inverse, on se demande si ces trois universitaires se seraient donnés la moyenne, s’il s’était agi du mémoire d’un étudiant.
Les arguments permettant de soupeser les deux hypothèses ne manquent pas, pourtant, au-delà du risque de surfinancement de la production et d’effet inflationniste pointé par l’étude. Cette situation de « surchauffe » est à prendre en considération dans des périodes de forte croissance du chiffre d’affaires des éditeurs et, donc, proportionnalité aidant, des commandes à passer aux producteurs. La marge des chaînes et des services de SVoD s’en trouverait réduite, celle des producteurs artificiellement gonflée et, sans doute, comme le pointe Analysis, la rémunération des « talents » (comédiens, mais aussi scénaristes, réalisateurs…), exagérément augmentée. Mais trouver des clés de répartition est rarement insurmontable quand l’argent est abondant, quitte à ce que l’optimum académique en sorte écorné.
Les consultants du cabinet Analysis n’ont pas examiné en revanche l’hypothèse d’une crise économique, affectant gravement les recettes des médias. Les résultats de l’étude BUMP pour le 1er semestre publiés ce mardi démontrent malheureusement qu’on ne parle pas d’une hypothèse d’école. Le système des contributions proportionnelles aboutit aujourd’hui à propager les difficultés des éditeurs le long de la chaîne ; celui de « l’enveloppe fermée » permettrait demain de sanctuariser les recettes affectées à la création, mais risqueraient d’aggraver encore la situation des chaînes ou services. On peine à trancher, si ce n’est sur un point : l’intérêt qu’il y aurait à supprimer le décalage d’un an qui existe aujourd’hui pour arrêter la contribution due par les éditeurs.
Calculer le montant à investir au cours d’une année donnée sur la base d’une estimation des recettes du même exercice permettrait à l’ensemble du secteur de respirer à l’unisson, quitte à prévoir un possible rattrapage en début d’année suivante. Nul doute que ceux qui ont piloté la réforme de l’impôt sur le revenu saurait imaginer le mécanisme.
Vive le prélèvement à la source !