Dans quelques mois, la contribution à l’audiovisuel public va disparaitre rayée d’un trait de plume dans le prochain projet de loi de finances rectificative. Elle sera remplacée sans doute – mais à quelle hauteur – par une ligne de crédit dans le prochain projet de loi de finances. Les entreprises publiques sont dans l’expectative. Et avec elles tout un secteur. Le dernier bilan de la production aidée en 2021 publié par le CNC le montre : les diffuseurs publics sont encore un pilier essentiel et incontournable de la production audiovisuelle en France ; Ils représentent plus de la moitié des apports des diffuseurs français à la production et les contributions à venir des plateformes SVoD, concentrées sur la fiction, ne sauront constituer un relai suffisant. (à lire dans ce dossier)
Sans aborder ce sujet qui concerne un secteur économique stratégique pour le soft power de la France dans le monde, le Sénat via une mission conjointe de contrôle des commissions des finances et de la culture sur le financement de l’audiovisuel public propose de créer une entreprise unique de l’audiovisuel public afin de constituer un « acteur puissant et innovant ».
Ce nième rapport a-t-il plus de chance que les précédents d’être suivi d’effets ? Sur la budgétisation au niveau de l’Etat du financement, sans doute. Mais sur un grand projet stratégique pour l’audiovisuel public, garant de la souveraineté culturelle, il n’en a guère été question dans les campagnes électorales récentes. Pour Emmanuel Macron, la souveraineté culturelle passerait par le Metavers. Et si on parle d’un éventuel projet de loi à venir, il portera encore sur l’organisation de l’audiovisuel public et le rapprochement de certaines de ses composantes (Lire notre article sur les prochaines échéances institutionnelles).
On retombe donc dans le jeu favori des politiques français en la matière qui consiste à monter et démonter le mécano de l’audiovisuel public, à regrouper ses entreprises dans une holding voire une entreprise unique intégrée, à couper ou ajouter des branches, des missions…Et, depuis 2018 à rogner sur les ressources, sans jamais mettre un projet et des missions en face des crédits alloués, ce que dénonce d’ailleurs la mission de contrôle du Sénat. Si les préconisations de cette dernière seront sans doute suivies pour ce qui est de la budgétisation des ressources de l’audiovisuel public, pour la méthode, vue la précipitation de la suppression de la redevance, la définition d’un grand projet stratégique attendra.
Comme souvent, la méthode allemande est aux antipodes de ce pilotage brouillon et sans cap des entreprises publiques. L’Allemagne a consacré près de six ans de travaux pour lancer sa réforme de l’audiovisuel public. Et parvenir à un accord avec les Etats fédéraux, le 2 juin dernier pour réformer l’audiovisuel public en Allemagne. L’objectif porte sur la définition des missions de services public de l’ARD, ZDF et Radiodeutschland ainsi que sur les modes de diffusion en autorisant une offre plus flexible, avec notamment plus de programmes en streaming, sur Internet. La question sensible du financement de l’audiovisuel public, aujourd’hui basé sur la redevance ne fera pas partie de cette première étape de la réforme. Autrement dit, l’Allemagne a soigneusement et patiemment labouré le terrain. Et les Allemands acceptent de payer pour leur audiovisuel public deux fois plus que la redevance française actuelle. En France, on supprime les moyens sans évoquer la fin.