L'édito de Philippe Bailly

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ACT : La révision du soi-disant code de bonnes pratiques sur la désinformation en ligne ne parvient pas à protéger les citoyens de l’UE

Alors que les plateformes en ligne publient leur soi-disant Code de pratique révisé sur la désinformation, les fournisseurs de télévision et de VoD doutent du processus et des résultats de cet examen. Bien que nous comprenions que de nombreuses organisations impliquées dans la rédaction du Code aient cherché à encourager les plateformes en ligne à intensifier leurs efforts, nous présageons que les « engagements » qui en résulteront n’auront que peu ou pas d’effet sur l’endiguement du flux croissant de désinformation en ligne.

En tant que participants au processus de « consultation », l’ACT a exprimé à plusieurs reprises le manque de transparence qui caractérisait le processus de rédaction. Le secret entourant la rédaction du code, la publication tardive de documents pour examen et l’absence de réponses aux demandes de clarification de base ont entraîné un processus qui n’a pas atteint les normes acceptables en ce qui concerne l’élaboration de l’autorégulation conformément aux propres lignes directrices de la Commission sur l’autorégulation[1].. De plus, les clauses de confidentialité concernant le processus étaient particulièrement flagrantes compte tenu de la nécessité d’un processus transparent et d’une reddition de comptes et d’une surveillance démocratiques.

Il en résulte une révision qui ne correspond pas aux orientations de la Commission sur le renforcement du code[2] sur plusieurs points critiques. Certains d’entre eux que nous énumérons ci-dessous:

  • Malgré l’objectif principal de l’Examen de fournir des mesures tangibles et des indicateurs de performance clés pour suivre les progrès au sein des plateformes et entre elles, le nouveau texte offre peu ou pas d’indicateurs de performance clés (KPI) efficaces, d’engagements sur les moyens alloués (y compris financiers) et d’impact attendu. S’engager à publier des « mesures significatives » ou des « rapports quantitatifs » ne le rend pas ainsi. Encore une fois, les plates-formes donnent un coup de pied dans la boîte en renvoyant la substance et les détails des « engagements » aux travaux du futur groupe de travail.
  • L’Examen n’offre pas d’engagements concrets pour limiter les « comportements manipulateurs inadmissibles », qui devraient être la pierre angulaire du Code. Au lieu de cela, l’examen fait référence aux futures politiques de plate-forme, qui seront décidées par les plates-formes à un stade ultérieur. Cela ne correspond pas aux orientations de la Commission qui stipulent spécifiquement que « les engagements devraient non seulement exiger des signataires qu’ils publient des politiques pertinentes, mais aussi définir des éléments de base, des objectifs et des critères de référence»[3]. Les engagements ne vont pas plus loin qu’une déclaration générale de respect de la loi, ce qui est évident et ne nécessite pas de code.
  • Le réexamen n’offre pas un ensemble intelligible d’engagements communs que les citoyens européens peuvent facilement comprendre et interpréter. Il présente plutôt un ensemble mixte d’engagements « à la carte », permettant aux plateformes de choisir les engagements qu’elles souhaitent suivre. Le résultat est un code qui est très peu clair pour le lecteur moyen à comprendre et qui se prête à une interprétation et à une application sélectives.
  • L’examen n’établit pas de mécanisme d’application significatif comme on pourrait s’y attendre de toute autoréglementation efficace. Il s’appuie plutôt sur la prochaine Loi sur les services numériques, qui retarde encore davantage toute incitation à des progrès concrets et immédiats. Cela vient s’ajouter à une révision qui a été retardée à plusieurs reprises.

Compte tenu de ces graves lacunes, nous nous attendons à ce que les engagements publiés aujourd’hui soient comparés aux demandes minimales énoncées dans les orientations de la CE. Cela permettrait aux parties prenantes et aux citoyens de mieux comprendre ce à quoi les plateformes s’inscrivent et comment cela répond (ou ne répond pas) aux attentes.

Pour établir un contrôle démocratique, nous demandons au Parlement européen, en particulier à la commission INGE[4], d’examiner le code révisé et d’émettre un avis formel. Cela devrait à son tour aider à guider les régulateurs et les décideurs politiques lorsqu’ils décident s’ils souhaitent légitimer le Code révisé en participant à l’équipe spéciale prévue. Nous avertissons toutes les autorités et parties prenantes concernées d’évaluer soigneusement leur participation à un tel groupe de travail, car cela pourrait donner de la crédibilité à un document qui n’en a pas.

Nous appelons les institutions européennes à relever d’urgence le défi posé par la désinformation en s’orientant vers des obligations globales et juridiquement contraignantes et des mesures de responsabilité à imposer aux plateformes en ligne par le biais de la réglementation.


[1] Voir Principes pour une meilleure autorégulation et une meilleure corégulation, page 130 de la boîte à outils pour une meilleure réglementation 2021 https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/br_toolbox-nov_2021_en_0.pdf

[2] Voir les orientations de la CE sur le renforcement du code de bonnes pratiques en matière de désinformation.

https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/library/guidance-strengthening-code-practice-disinformation

[3] Voir la section 6.2 (p.12) du guide de la Commission sur le renforcement du code de bonnes pratiques en matière de désinformation.

[4] Commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans tous les processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation

https://www.europarl.europa.eu/committees/en/inge/home/highlights

Le communiqué est à retrouver ici.

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