L'édito de Philippe Bailly

Vous souhaitez recevoir l’Insight NPA ?

Médias Publics : plus que jamais au service du public ?

Sur le thème « Médias Publics : Plus que jamais au service du public ? », le colloque NPA a eu l’honneur d’accueillir Sibyle Veil, PDG de Radio France.

« Dire que les médias de service public sont au service du public c’est une tautologie, une évidence ». Sur ces mots, Sibyle Veil, PDG de Radio France, introduit sa présentation sur le thème « Médias Publics : plus que jamais au service du public ». A l’ère de « l’hyperconcurrence » et de la « personnalisation des usages », elle estime que cette évidence n’a plus la même portée qu’auparavant. Selon elle, offrir des contenus de qualité ne suffit plus pour toucher une audience large : « on ne parle pas à tout le monde de la même manière […] On passe d’une guerre de position à une guerre de conquête en allant là où ils sont », notamment à l’échelle locale face à la centralisation des médias, surtout généralistes, en région parisienne.

Pour remplir ses missions et répondre à ses devoirs en tant que média de service public, la PDG de Radio France s’appuie sur trois grands enjeux qu’elle nomme les « 3P » : Proximité, Pluralisme et Podcasts.

Sur le plan de la proximité, Sibyle Veil insiste sur la volonté de Radio France d’être proche des citoyens, à l’échelle locale, afin de répondre à leurs attentes et besoins. Elle annonce travailler avec France Télévisions, depuis 2 ans, à la création d’un « grand média local, radio, télévision et numérique ». Elle détaille : « On a commencé avec la création d’une application commune, le travail sur un projet éditorial commun avec des matières communes et on est en train d’achever le lancement d’un site numérique et la bascule vers une marque commune, si bien qu’en début d’année prochaine, on aura absolument tout l’arsenal pour pouvoir dire que le grand média local est né ». La PDG de Radio France qualifie ce projet de « démographique » et même de « révolution ».

 Pour cela, le groupe audiovisuel public travaille à « une offre éditoriale de reconquête », proposant un média « chaleureux, divertissant, interactif, qui crée du lien » qui permette de « coordonner les radios locales de France Bleu et les antennes régionales de France 3 partout sur le territoire ». 

La problématique majeure sous-tendant ce projet est celle de la déconnexion entre le public et les médias, un phénomène exacerbé pendant la crise des Gilets jaunes et dont les tensions subsistent : « la marmite sociale continue à bouillir ».

Le deuxième grand enjeu concerne le pluralisme. Sibyle Veil aborde les critiques visant France Inter (qui réunit 7 millions d’auditeurs quotidiens) pour son prétendu « manque de pluralisme ». Elle affirme que « l’écart est immense entre la perception et la réalité de ce que fait France Inter chaque matin ». Pour étayer ses propos, elle reprend une étude réalisée à la rentrée, sur plusieurs semaines, qui comptabilise 55 intervenants différents sur France Inter, représentants différents courants, soit quatre fois plus que n’importe quelle autre radio généraliste concurrente. La PDG de Radio France souligne que «la matinale de France Inter rassemble plus d’auditeurs qu’une journée complète sur une autre radio », mettant en exergue le fait que les critiques des détracteurs ne représentent pas forcément le ressenti des français dans leur ensemble : « C’est vraiment l’écart entre le monde réel et le monde perçu ». Les critiques exprimées à l’encontre de France Inter proviendraient même, selon elle, de la nature pluraliste de ses programmes : en tentant de donner une voix à des opinions variées, la radio finit par mécontenter tout le monde.

Le pluralisme sur les ondes de Radio France s’exprime également dans la diversité des thématiques abordées, répondant aux divers besoins des Français en matière de contenus : la musique avec FIP, la culture avec France Culture ou l’information et l’envie d’apprendre avec France Inter…

Le troisième enjeu majeur concerne les podcasts, qualifiés par Sibyle Veil de « nouveau lieu d’influence ». Elle prend l’exemple de l’impact et le rôle de ces derniers dans les dernières élections présidentielles américaines. Donal Trump a par exemple refusé certaines interviews télévisées et un second débat contre Kamala Harris mais est allé s’exprimer pendant près de 3 heures sur le très populaire podcast de Joe Rogan Joe Rogan Expérience, réalisant 30 millions d’écoutes sur deux jours. Kamala Harris a également su saisir l’importance du format en prenant la parole dans des podcasts ciblés, notamment pour un public féminin ou afro-américain.  Sibyle Veil cite une journaliste du New York Times résumant parfaitement cette tendance : « Autrefois les candidats à la présidence avaient pour habitude de visiter 99 comtés de l’Iowa, il semblerait qu’ils participent désormais à 99 podcasts ». Cet exemple illustre la capacité du podcast à aller chercher un nouveau public, et à offrir du contenu qui répond à leurs attentes.

Radio France s’est positionné très tôt sur ce segment avec un catalogue d’émissions radios dont les écoutes ont été démultipliées grâce aux réécoutes en podcasts, et la création d’offres ciblées, par exemple celle adressée aux enfants « avec un catalogue de plus de 3 500 épisodes écoutés et téléchargés plus de 100 millions de fois ». Ce nouveau format est « au cœur de la stratégie » du « média radio de demain ». L’enjeu est désormais de consolider ce segment avec d’un côté un environnement ultra créatif et « bouillonnant » et de l’autre le risque d’un « no man’s land » gangréné par la désinformation, la haine, les polémiques… Il est donc important d’y « réintroduire la pluralité des voix et les principes déontologiques du journalisme ».

Enfin, face à la vague de retraits de nombreux médias de X, Sibyle Veil affirme une approche différente chez Radio France. En tant que média public, et alors que X compte 18 millions d’utilisateurs en France, Radio France estime qu’il est impossible de « s’adresser à certains et pas à d’autres ». L’objectif est de limiter progressivement sa présence sur cette plateforme et d’encourager le transfert vers d’autres plateformes. Toutefois, Sibyle Veil précise : « Tant qu’autant de Français continuent d’être présents sur X, nous devons pouvoir continuer de leur parler »

Vous êtes abonnés à l’Insight NPA ? Merci de renseigner vos identifiants pour accéder à l’ensemble de cet article.

Pas encore inscrit à l'Insight NPA ?