Nous assistons depuis plusieurs années à une fracture territoriale d’un nouveau genre : quand les habitants des grandes métropoles font valoir un droit à la déconnexion, ceux des territoires ruraux revendiquent légitimement l’accès à davantage de connexion.
Le numérique est aujourd’hui l’une des conditions essentielles d’accès à l’emploi, à l’éducation, à la culture, à l’information et au débat démocratique. Son importance est décuplée par l’avènement du télétravail et de la télémédecine.
Il est une chance pour les territoires. En effet, dans le sillage de la crise sanitaire, les zones rurales sont plébiscitées par de nombreux Français citadins qui souhaitent s’y installer, pour peu qu’ils puissent y rester connectés. Une couverture numérique déficiente détériore donc l’attractivité des territoires et constitue un puissant frein à leur développement démographique et économique.
Conscient de l’enjeu, le gouvernement s’est engagé à réduire la fracture numérique pour garantir un principe : le droit à la connexion pour tous et partout. Avec les opérateurs et l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), il a lancé en 2017 un « New Deal Mobile » afin d’accélérer la couverture mobile des territoires. Ces engagements ont indéniablement porté leurs fruits.
De même, le Plan Très Haut Débit a permis d’accélérer la généralisation de l’accès au haut débit fixe. Par exemple, dans l’Indre, 62 % des logements ou des locaux professionnels sont raccordables à la fibre optique (chiffres du gouvernement, septembre 2021), alors qu’ils n’étaient que 6 % à y avoir accès en décembre 2017.
Toutefois, des zones demeurent mal desservies tant en couverture internet qu’en couverture mobile. Les initiatives inédites du gouvernement méritent donc de franchir un nouveau cap. Et pour cela, elles nécessitent de s’appuyer sur l’engagement de tous les acteurs. La pression pesant sur les opérateurs doit être accentuée, afin d’éviter qu’ils puissent prendre des décisions unilatérales contraires au pacte signé avec le gouvernement. Par exemple, en août 2021, le groupe Orange a mis fin à son offre « Femtocell » que des milliers de personnes utilisaient encore au moment de sa désactivation.
La « Femtocell » permettait, à l’aide d’un émetteur, de bénéficier d’un mini‑réseau 3G à domicile quand le réseau mobile était défaillant. Cette fonctionnalité était utile, et constituait un filet de sécurité. Le groupe Orange, face à l’incompréhension de ses clients, les a tardivement redirigés vers la fonction « appels wifi » qui permet de passer et recevoir des appels sur un téléphone portable via le wifi de la box. Mais cette solution n’est absolument pas satisfaisante et elle impose d’être en possession d’un appareil compatible, ce qui n’est pas toujours le cas notamment chez les personnes plus âgées.
Les habitants ainsi lésés se retrouvent déconnectés et cette situation inégalitaire a des conséquences sur leur quotidien et l’exercice de leur profession, et peut affecter leur sécurité.
Cette situation n’est pas acceptable et renforce l’inégalité territoriale que le gouvernement cherche précisément à réduire depuis 2017. Orange est pris en flagrant délit de mener une politique contraire aux orientations définies par l’État.
Il convient à ce titre de rappeler que, selon la loi, les opérateurs sont réputés assurer un service universel : celui des communications électroniques. Au titre de leurs obligations légales, ils sont donc censés permettre « à tout utilisateur d’avoir accès, en position déterminée, à un service d’accès adéquat à l’internet haut débit et à un service de communications vocales ». Ces exigences ne sont aujourd’hui que partiellement tenues.
C’est la raison pour laquelle, en complément des dispositions gouvernementales et sur le modèle du droit au logement opposable, il est proposé d’instituer un droit à la connexion opposable.
L’objectif de l’article unique de cette proposition est d’inscrire dans la loi un droit fondamental à l’accès au service universel de communications électroniques, mentionné à l’article L. 35‑1 du Code des postes et des communications électroniques. Ce droit fondamental confèrerait aux obligations de service universel une plus grande portée symbolique, ce qui permet d’envisager un resserrement des obligations pesant sur les opérateurs, ainsi que sur l’État dans son rôle de régulation.
L’effectivité de ce droit serait ensuite concrétisée par la seconde disposition de cet article. Les personnes résidant en France et auxquelles leur droit fondamental à l’accès au service universel de communications électroniques n’est pas assuré pourront avertir l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) qui sera alors dans l’obligation de sanctionner le manquement qu’elle constatera, dans les conditions de l’article L. 36‑11.
Ainsi ce mécanisme renforcera la pression pesant sur les opérateurs, car tout manquement avéré donnera automatiquement lieu à la mise en œuvre du large pouvoir de sanction de l’Arcep.
Au début de l’article L. 33 du code des postes et des communications électroniques, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le droit à l’accès au service universel des communications électroniques, mentionné à l’article L. 35‑1, est un droit fondamental ; il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent.
« Toute personne physique résidant sur le territoire national au sens de l’article 4 B du code général des impôts et ne bénéficiant pas de ce droit peut notifier ce manquement à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse qui doit alors, si le manquement est avéré, exercer son pouvoir de sanction, dans les conditions prévues à l’article L. 36‑11 du present code. »
Le dossier législatif est à retrouver ici.