Alors que les propositions des Etats Généraux de l’Information doivent aider à assurer à chacun le « droit à une information libre, indépendante et fiable », l’étude présentée ce 4 avril par le groupe de travail numéro 3 sur « l’avenir des médias d’information et du journalisme »[1] a permis d’établir un état – inexistant à date – des moyens engagés pour y parvenir, autrement dit du « coût de l’information » : l’ensemble des charges supportées par les médias d’information (presse, radio, TV ou pure players). Plus de 370 marques médias grand public ont contribué à cette étude en répondant au questionnaire qui lui servait de support. En cumulant masse salariale supportée pour l’emploi des journalistes permanents ou pigistes et des collaborateurs directement associés aux rédactions, d’une part, coûts directs internes et externes directement associés à la production de l’information (frais de reportages, liaisons techniques, abonnements aux agences de presse…), le total était supérieur à 2,4 Mds€ en 2023 pour les médias grand public. Et à plus de 3 Mds€ si l’on intègre la presse professionnelle et les agences de presse. Les coûts salariaux représentent plus de 70 % de ce total. Celui-ci repose à 70 % sur les médias privés, et 30 % sur l’audiovisuel public.
La capacité des médias à assurer durablement à chacun le « droit à une information libre, indépendante et fiable » évoqué par le Président de la République lors de l’annonce des Etats Généraux de l’Information renvoie inévitablement à la solidité du modèle économique des médias qui y contribue (presse, radio, télévision et pure players), et aux moyens qui y sont consacrés.
Mais alors que les différents secteurs de l’exception culturelle (cinéma, production audiovisuelle, musique…) sont finement documentés grâce aux travaux du CNC et de l’Arcom, il n’existe pas en France (ni dans les grandes démocraties comparables) de données suivies et structurées sur la façon dont est financé le droit à l’information : le montant que les médias (presse, radio, TV ou pure players) y consacrent, et la façon dont les montants payés par le public lui-même (achat au numéro ou abonnements aux publications de presse principalement), par la publicité, ou grâce à des financements publics permettent de s’en acquitter.
Evaluer la masse salariale et l’ensemble des coûts directs internes et externes directement associés à la production de l’information
Le groupe de travail des EGI consacré à « l’avenir des médias d’information et du journalisme » a conduit au premier trimestre une étude destinée à évaluer ce « coût de l’information ».Plus de 370 marques médias grand public y ont contribué en répondant au questionnaire qui lui servait de support. La presse spécialisée et les agences de presse ont fait l’objet d’un traitement complémentaire.
Les sources de revenus des médias d’information ont toutes diminué dans la période récente
Pris dans leur ensemble, les revenus des médias qui produisent de l’information sont évalués à 12 Mds€ en 2023, partagées en masses relativement proches entre audiovisuel public, audiovisuel privé et presse écrite, et sans évolution significative par rapport à 2022.
Tous médias confondus, la publicité représente le premier poste de ressource (près de 40 % du total), devant les financements publics (aides directes à la presse et ex-contribution à l’audiovisuel public ; 32 %) et les versements du consommateurs final (achat d’exemplaires au numéro ou abonnements aux titres de presse ; 23 %).
Mais les modèles apparaissent très différents entre audiovisuel (importance de la publicité et poids des concours public) et presse écrite, pour laquelle le lecteur reste le premier contributeur.
Mais ces différentes ressources ont en commun d’avoir toutes diminué dans la période récente :
- Le soutien à l’audiovisuel public a diminué de 180 M€ entre 2018 et 2022.
- Les recettes tirées des abonnements et de la vente au numéro de la presse ont reculé de -340 millions sur la période 2018-2021[1].
- Les recettes publicitaires, enfin, ont perdu 450 millions d’euros entre 2018 et 2023 pour l’ensemble TV, presse et radio.
Un coût de l’information évalué à 2,44 Mds€ en 2023 pour les médias grand public, et qui continue à progresser
Si les revenus baissent, le coût de production de l’information, lui, continue à progresser : +50 M€ en 2023 par rapport à 2022 (+2,5 %), pour les plus de 370 médias dont les réponses ont pu être analysées, soit un total de 2,09 Mds€ pour cette dernière année.
Le travail d’extrapolation effectué afin de dégager une vision pour l’ensemble des médias grand public permet d’évaluer à 2,44 Mds€ les charges directement associées à la production d’information.
Le coût de l’information repose pour plus de 70 % sur la masse salariale des 27 360 ETP identifiés qui contribuent à sa production (rémunération des journalistes permanents, des pigistes, des techniciens et autres collaborateurs directs des rédactions).
Le constat laisse d’autant peu de place pour une optimisation des charges sans répercussion directe sur la qualité du traitement proposé au lecteur que les journalistes (permanents et pigistes) pèsent pour plus de 75 % de la masse salariale. Les gains d’efficience que l’utilisation de l’Intelligence artificielle dans les process de vérification / préparation à la publication pourrait apporter resteront, au-delà, forcément limités.
Une charge proche de 3 Mds€ si l’on intègre la presse professionnelle et les agences de presse
La méthode par interrogation directe employée pour les médias grand public n’a pu être reproduite pour la presse professionnelle spécialisée, en raison du très grand nombre d’éditeurs, des TPE ou PME ou l’essentiel. Une collecte d’informations plus limitée a pu intervenir néanmoins avec l’aide de la Fédération professionnelle du secteur, la FNPS.
Par ailleurs, agréger les données se rapportant aux médias grand public et aux agences de presse aurait conduit à des doubles comptes, les premiers étant clients des secondes, et ayant donc intégré le coût de leurs abonnements dans les réponses transmises au groupe de travail.
On peut au moins, sans courir ce risque, ajouter les plus de 5 000 journalistes (permanents et pigistes) travaillant pour des agences de presse.
Au final, l’étude réalisée dans le cadre des EGI permet d’évaluer à plus de 40 000 le nombre de professionnels qui concourent directement à la production de l’information, à plus de 3 Mds€ la charge financière que celle-ci représente.
[1] Pour la télévision, voir les ressources distributeurs des chaines payantes dans le bilan financier 2022 des chaînes payantes de l’ARCOM. Pour la presse, voir la série longue des données sur la presse écrite du Ministère de la Culture.
[1] Philippe Bailly, fondateur de NPA Conseil, est membre de ce groupe de travail, et il est intervenu comme coordinateur de l’étude sur le Coût de l’information