Régulièrement évoqué depuis le Brexit, le statut des productions britanniques, et plus précisément leur comptabilisation dans les quotas de diffusion d’œuvres européennes, fait l’objet de débats réguliers. Ces derniers jours, Thierry Breton et Roselyne Bachelot ont exprimé une certaine insatisfaction à l’égard du cadre juridique existant. L’analyse des textes concernés (Directive SMA mais aussi Convention Européenne TV Transfrontière du Conseil de l’Europe), tend à confirmer que la possibilité de les exclure pour la comptabilisation des quotas est déjà, pour partie, une réalité.
Convention TV Transfrontière : un vrai « totem d’immunité » ?
« Les œuvres originaires du Royaume-Uni seront toujours considérées comme des œuvres européennes pour les quotas fixés par la directive SMA, affirme sur son site internet le British Film Institute (BFI), l’équivalent du CNC outre-Manche. Les règles de la directive concernant la définition des œuvres européennes stipulent qu’une œuvre peut être qualifiée (comme telle) si elle provient d’un État tiers européen partie à la Convention européenne sur la télévision transfrontière (CETT) du Conseil de l’Europe, dont le Royaume-Uni reste partie ».
Prime Video, seule plateforme SVoD à pouvoir comptabiliser les productions anglaises ?
Ce jugement mérite d’être doublement nuancé.
En premier lieu, la CETT », qui a été signée en 1989, «évoque la « radiodiffusion » et précise explicitement que son champ ne couvre pas « les services de communication opérant sur appel individuel ». Le doute est donc permis de savoir si l’assimilation à des œuvres européennes qu’elle prévoit s’étend également aux services de SVoD, AVoD ou encore SVoD.
Mais plus encore, sept des Etats-membres de l’Union européenne (Belgique, Danemark, Grèce, Irlande, Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède) ne l’ont jamais ratifiée. Elle n’y semble donc pas applicable, et, le Brexit étant passé, ils ne conservent donc aucun lien avec la Grande Bretagne.
Or l’application des quotas de diffusion est régie, en télévision comme en SVoD, par le principe du pays d’origine (celui dans lequel le service est établi administrativement).
Or, ainsi que l’attestent les conventions récemment passées avec le CSA, le siège européen de Netflix est situé aux Pays-Bas, celui de Disney+ aussi, et celui de Prime Vidéo au Royaume-Uni.
Parmi les principales plateformes de SVoD opérant en France, seule Amazon devrait alors être en mesure de comptabiliser les œuvres anglaises dans les 30 % de son catalogue exigé prévu par la Directive.
Une analyse similaire pourrait être conduite pour l’ensemble des chaînes thématiques destinées au public français mais administrativement installées dans l’un des sept Etats-membres qui n’ont pas ratifié la CETT.
Des règles réellement insuffisantes pour définir l’œuvre européenne ?
Lors de son intervention du 25 janvier au colloque européen CNC/DGMIC sur l’indépendance au service de la création, la ministre de la Culture est intervenue sur le statut de l’œuvre européenne, pour regretter qu’elle ne soit soumise à « aucun critère lié à la possession des actifs et des droits par les producteurs européens ». La relecture de l’article 13 de la Directive SMA tend, sur ce point, à relativiser son propos. Parmi les critères que fixent ce dernier figure, en effet, le fait que ces œuvres soient « réalisées essentiellement avec le concours d’auteurs et de travailleurs résidant dans un ou plusieurs des États visés dans ces dispositions et qui répondent à l’une des trois conditions suivantes:
Ce dernier point, particulièrement, semble exclure du champ des œuvres européennes celles qui sont réalisées par un producteur exécutif européen, pour le compte d’un acteur tiers (plateforme, studio), qui en assume l’essentiel du financement. Il est notable d’ailleurs que depuis le début de l’année, l’Arcom demande aux chaînes de fournir toute information permettant de remonter à la maison mère, s’agissant des programmes qu’elles déclarent au titre de leurs obligations de diffusion européennes ou EOF. |
[1] 50% pour les chaînes linéaires et 30% pour les services délinéarisés dans la Directive ; 60% pour les chaînes linéaires en droit français.
[2] Brexit oblige, l’édition 2020 ne distingue plus les contenus britanniques.
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