Le mercredi 1er décembre 2021, M. Olivier Roussat, directeur général du groupe Bouygues, a été auditionnée par la commission des affaires culturelles, de l’éducation et de la communication et par la commission des affaires économiques sur le projet de rapprochement entre les sociétés TF1 et M6.
Extrait :
M. Olivier Roussat, directeur général du groupe Bouygues. – Les médias connaissent une transformation très importante, historique, de leur business model, et le statu quo n’est pas possible.
Pourquoi cette fusion ? Le groupe Bertelsmann a décidé de céder son activité M6 et de nous rencontrer en décembre 2020. Le renouvellement des licences pour les deux chaînes aura lieu en mai 2023, ce qui implique de réaliser les mouvements de capitaux en amont. En effet, ces derniers ne sont ensuite plus possibles dans les cinq ans suivant le renouvellement, soit entre 2023 et 2028. Les deux groupes sont des groupes familiaux, avec une vision à long terme : nous avons pensé qu’il fallait anticiper.
Outre les acteurs classiques – les services publics d’une part et les groupes privés d’autre part -, le marché européen connaît l’émergence d’un troisième acteur, celui des plateformes, qui sont principalement américaines. Il n’existe pas de plateforme européenne pour le moment.
Le marché publicitaire de la télévision, qui constitue ses ressources, est relativement stable ; il s’élève à 3 milliards d’euros. Au cours de ce second semestre, il connaît un pic, car ce marché suit la croissance du PIB, mais ce pic reste tout à fait conjoncturel. Le marché publicitaire digital, lui, est en croissance constante. Sa courbe a croisé celle du marché publicitaire de la télévision en 2017, mais il est accaparé par les Gafam à 90 %.
Nous pensons que la télévision a un avenir à condition de se réinventer. Nous souhaitons continuer à proposer une offre en clair à l’ensemble des Français, raison pour laquelle nous proposons ce projet.
Concernant l’évolution du marché, jusqu’à il y a cinq ans, les ayants droit vendaient leur contenu à un nombre maximal de pays : pour 50 pays, 50 négociations étaient nécessaires. Netflix, lui, muni de poches beaucoup plus profondes, a acheté des droits mondiaux, complets, qui portent sur toutes les voies de diffusion : vidéo à la demande (VOD), vidéo à la demande avec abonnement (SVOD), diffusion sur les appareils mobiles. Ainsi, les contenus se raréfient. En Europe, aucune plateforme n’achète le lot complet de droits. Comme les plateformes américaines achètent l’ensemble des droits, il est désormais difficile d’en trouver et d’en acheter, d’autant plus que les prix de ces droits ont augmenté à cause de la rareté des contenus.
Si l’audience devant le téléviseur est relativement stable, la question qui nous préoccupe est celle de l’audience devant la télévision linéaire : elle baisse de manière continue. Cette baisse est estimée à 40 % d’ici à 2024, au profit du streaming. Les téléspectateurs souhaitent de nouveaux programmes. La durée d’écoute par individu (DEI), base de calcul pour le prix de vente de la publicité, est en train de baisser, ce qui signifie que, mécaniquement, le prix de la publicité baisse aussi. Dans un premier temps, il est possible de remonter nos prix, mais, dans un deuxième temps, les annonceurs risquent de quitter la télévision pour s’orienter vers le digital. Or, quand les coûts augmentent et que les revenus baissent, il est nécessaire d’évoluer.
De plus – c’est essentiel -, l’attente des spectateurs change. Pour y répondre, nous devons pouvoir simultanément acheter des contenus et constituer une nouvelle offre. Le premier volet de l’opération, assez défensif, est de pouvoir acheter des contenus télévisuels ; le second volet, plus offensif, est de développer l’offre de streaming. C’est pourquoi nous voulons regrouper nos forces. Le modèle d’affaires change très vite, d’où la raison de cette proposition de fusion. Ainsi, nous pourrons constituer une offre française, avec des contenus locaux qui correspondent aux aspirations des Français.
Concernant les échéances, une double autorité examine le calendrier.
Il est nécessaire que les actionnaires soient connus au plus tard en novembre 2022, car le CSA doit analyser l’actionnariat des deux chaînes avant le renouvellement des licences. L’Autorité de la concurrence doit donc nous donner son autorisation au plus tard en octobre 2022. Par exemple, une réponse en janvier 2023 serait trop tardive, et l’opération n’aurait pas lieu.
En dépit du changement de présidence en cours, l’Autorité de la concurrence s’était organisée l’été dernier pour que nous puissions continuer à travailler et obtenir une réponse en 2022. Si le calendrier est respecté – autorisation de l’Autorité de la concurrence en octobre et du CSA en novembre -, nous pourrons réaliser l’opération au début du mois de janvier 2023. Je rappelle que le pacte en vue de cette fusion a été signé en mai 2021.
Je le répète, le statu quo n’est plus possible. Les aspirations des téléspectateurs ont changé, mouvement amplifié par les confinements, et l’observation de la situation américaine permet d’anticiper les évolutions en cours.
L’intégralité du compte rendu est à retrouver ici.