Le Journal Officiel a publié ce vendredi 9 décembre le décret d’application de l’article 20-7 de la loi de septembre 1986 « fixant le seuil de déclenchement et le délai d’application des obligations de visibilité appropriée des services d’intérêt général » et l’avis rendu par l’Arcom le 20 juillet 2022 sur le projet qui lui avait été soumis. S’agissant des téléviseurs, set top box et enceintes connectées, le texte fixe à 150 000 appareils commercialisés sous une même marque le seuil de déclenchement de mise en avant des services reconnus comme d’intérêt général ; concernant les magasins d’application ou interfaces distributeur, celui-ci est de à 3 millions de visiteurs uniques par mois pour chaque interface utilisateur. Les acteurs concernés disposeront d’un délai de neuf mois à compter de la publication par l’Arcom de la liste des services d’intérêt général. Mais celle-ci devra, organiser une consultation publique avant de l’arrêter. Il apparaît peu probable, au vu de ces délais, que le nouveau dispositif porte ses effets avant le début 2024. Et l’Arcom soulève, au-delà, une double difficulté : sur la capacité à disposer de mesures fiables permettant de confirmer la liste des acteurs concernés. Mais, au-delà, sur la difficulté de soumettre au nouveau dispositif ceux qui sont domiciliés hors des frontières nationales.
« A compter du 1er janvier 2022, les opérateurs qui déterminent les modalités de présentation des services sur les interfaces utilisateurs (…) assurent (…) une visibilité appropriée de tout ou partie des services d’intérêt général dans des conditions précisées par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ». A défaut d’être entré en vigueur dès le début de cette année, ainsi que l’avait prévu les modifications apportées à l’article 20-7 de la loi de septembre 1986 par la loi Bachelot d’octobre 2021, le Décret n° 2022-1541 du 7 décembre 2022 fixant le seuil de déclenchement et le délai d’application des obligations de visibilité appropriée des services d’intérêt général publié ce vendredi 9 décembre par le Journal Officiel permet d’en préciser les conditions d’applications.
Des dispositions qui ne visent pas le parc installé d’appareils
S’agissant d’abord des téléviseurs connectés, équipements destinés à être connecté au téléviseur (clés HDMI, box OTT, consoles de jeux, mais aussi box opérateurs) – et leurs télécommandes – ou des enceintes connectées, le décret prévoit, un seuil de déclenchement à hauteur de 150 000 appareils « commercialisés, mis à disposition dans le cadre d’un contrat d’abonnement ou loués lors de la dernière année civile sur le territoire français », pour chaque catégorie (et pas en cumul) et par marque. Ce dernier point n’est neutre pour les spécialistes de la production en marque blanche tels que Vestel pour les téléviseurs (Continental Edison, Hitachi, Haier, Oceanic, Telefunken…).
Dans son avis, l’Arcom relève en outre que « le décret ne prévoit pas de disposition sur le parc installé », ce qui lui semble compréhensible (« il pourrait être coûteux et complexe d’un point de vue opérationnel de procéder à une mise à jour dans les délais impartis de l’ensemble des équipements préexistants ») mais relativise la portée de la mesure et soulève la question du traitement des équipements loués (box opérateurs notamment).
L’Autorité note encore la difficulté qui sera la sienne de « contrôler de manière fiable le respect de ces seuils et, de fait, de déterminer les opérateurs qui les dépassent » : « les données déclaratives peuvent s’avérer insatisfaisantes, les fabricants peuvent ne disposer que de leurs chiffres de ventes de gros, et un recueil de chiffres de ventes au détail parait difficilement réalisable directement par l’Autorité ».
Neuf mois pour se mettre en conformité
Concernant les interfaces mises à disposition par les distributeurs (mosaïques, guides de programmes…) ou les magasins d’applications, le seuil retenu est de « 3 millions de visiteurs uniques par mois pour chaque interface utilisateur (…) sur la base de la dernière année civile ».
Afin de la contrôler, l’Arcom indique qu’elle pourra « se référer à la mesure des audiences internet des différents services et magasins d’application réalisée par Médiamétrie », mais souligne « que cette mesure ne reflète pas l’exhaustivité des usages puisqu’elle ne prend pas en compte la consommation des applications sur le téléviseur ».
L’Autorité pourra notamment employer les premières semaines de 2023 à résoudre ces difficultés soulevées dans son avis : le décret prévoit qu’elle « publie au plus tard le 15 mars de chaque année la liste des interfaces utilisateurs ayant dépassé les seuils » qu’il a déterminés.
Elle pourra en parallèle conduire la consultation publique prévue par l’article 20-7 afin d’arrêter la liste des services d’intérêt général bénéficiant de la « visibilité appropriée » mentionnée à l’article 20-7 de la loi de 1986.
Il devra à cette occasion décider s’il limite le périmètre aux seuls groupes de l’audiovisuel public et à TV5 Monde, ou s’il y intègre certains acteurs privés, et sur quelles bases. Pour mémoire, les critères retenus par les autorités allemandes des médias les ont conduit à une liste de près de 300 services (lire dans l’Insight NPA Allemagne : première application européenne sur la visibilité garantie aux services d’intérêt général).
Finalement, c’est donc début 2024 que celle-ci devrait trouver à s’appliquer.
Mais l’autorité soulève dans son avis une difficulté plus générale qui pourrait fortement réduire la portée effective du nouveau cadre : ses « prérogatives à l’égard de certains acteurs (…) notamment ceux installés en dehors des frontières nationales et ceux qui ne sont pas inclus dans le champ de régulation de la loi du 30 septembre 1986, apparaissent limitées s’agissant spécifiquement des pouvoirs de mise en demeure et de sanction et des pouvoirs d’enquête ».
Article 20-7 de la loi du 30 septembre 1986
I.- Pour l’application du présent article, on entend par “ interface utilisateur ” tout dispositif présentant à l’utilisateur un choix parmi plusieurs services de communication audiovisuelle ou parmi des programmes issus de ces services, qui est : 1° Installé sur un téléviseur ou sur un équipement destiné à être connecté au téléviseur ; 2° Installé sur une enceinte connectée ; 3° Mis à disposition par un distributeur de services ; 4° Mis à disposition au sein d’un magasin d’applications ; II.-A compter du 1er janvier 2022 les opérateurs qui déterminent les modalités de présentation des services sur les interfaces utilisateurs dont le nombre d’utilisateurs ou d’unités commercialisées sur le territoire français dépasse un seuil fixé par décret assurent dans un délai précisé par le même décret une visibilité appropriée de tout ou partie des services d’intérêt général dans des conditions précisées par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Cette obligation n’est pas applicable aux interfaces qui proposent exclusivement des services d’un même éditeur, d’un éditeur et de ses filiales, ou d’un éditeur et des filiales de la société qui le contrôle au sens du 2° de l’article 41-3. Les services d’intérêt général s’entendent comme les services édités par un des organismes mentionnés au titre III de la présente loi et par la chaîne TV5 pour l’exercice de leurs missions de service public. Après consultation publique, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut y inclure, de manière proportionnée et au regard de leur contribution au caractère pluraliste des courants et pensée et d’opinion et à la diversité culturelle, d’autres services de communication audiovisuelle. Elle rend publique la liste de ces services. En tenant compte des capacités de personnalisation par les utilisateurs, la visibilité appropriée peut notamment être assurée par la mise en avant : 1° Sur la page ou l’écran d’accueil ; 2° Dans les recommandations aux utilisateurs ; 3° Dans les résultats de recherches initiées par l’utilisateur ; 4° Sur les dispositifs de pilotage à distance des équipements donnant accès aux services de communication audiovisuelle. La présentation retenue doit en outre garantir l’identification de l’éditeur du service mis en avant. III.-Les opérateurs mentionnés au premier alinéa du II rendent compte à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, selon des modalités déterminées par cette dernière, des mesures qu’ils mettent en œuvre pour l’application de ce même II. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique publie un bilan périodique de l’application de ces mesures et de leur effectivité. IV.-En cas de manquement à l’obligation mentionnée au premier alinéa du III, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut mettre en demeure l’opérateur de s’y conformer dans un délai qu’elle fixe. Lorsque l’opérateur faisant l’objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut prononcer une sanction pécuniaire dans les conditions prévues aux articles 42-2 et 42-7 de la présente loi. |