Intervenants : Fabrice Bakhouche, directeur général du groupe Sipa Ouest France ; Christopher Baldelli, Directeur général de Réel TV ; Nicolas de Tavernost, Président de RMC BFM.
L’ARCOM est en pleine procédure d’attribution de quinze fréquences de la TNT nationale. Quinze candidats ont été sélectionnés en juillet dernier. L’ARCOM est en train de finaliser les conventions de chaque candidat. Une fois les conventions finalisées, les fréquences seront officiellement attribuées. Sur les quinze candidats sélectionnés, deux candidats n’ont pas été renouvelés (NRJ12 et C8) pour laisser place à deux nouveaux entrants : Réel TV portée par le milliardaire Daniel Kretinsky et la chaîne portée par le groupe Ouest France. Le non-renouvellement d’NRJ12 et de C8 laisse les canaux 8 et 12 vacants. Qui va se voir attribuer ces deux canaux ? Au surplus, l’ARCOM serait en train de mettre en place plusieurs projets de regroupement de chaînes (chaînes info et chaînes jeunesse) comme le lui permet la loi de 1986. Les intervenants vont pouvoir s’exprimer sur ces différentes thématiques.
M. Bakhouche directeur général du groupe Ouest France nouvel attributaire d’un canal TNT salue la décision de l’ARCOM d’attribution des fréquences qui montre que la TNT se renouvelle et est attractive et que cela est bon pour la démocratie. Le projet de chaîne de Ouest France s’inscrit dans un projet de chaîne généraliste axé sur la proximité et le pluralisme afin de représenter tous les Français. Guénaëlle Troly sera la directrice générale de la chaîne. La chaîne sera selon M. Bakhouche une télévision généraliste conçue en dehors de Paris pour une meilleure représentation des Français à l’antenne et travaillera avec des producteurs audiovisuels basés en région.
Christopher Baldelli, prochain directeur général de Réels TV qui sera prochainement lancée sur la TNT explique que le fait que des acteurs comme Xavier Niel ou Vincent Bolloré s’intéressent à la TNT démontre que la TNT est attractive et que la télévision n’est pas morte comme on l’annonce souvent. Il souligne que les acteurs historiques n’aiment pas la concurrence mais cela est bon pour le développement et contre les rentes de situation. La chaîne, annoncée comme généraliste, ne s’appellera pas Réel TV (nom du projet devant l’ARCOM) mais le nom n’est pas encore arrêté. M. Baldelli annonce trois axes pour la chaîne : le documentaire ; la culture avec une émission culturelle hebdomadaire et enfin un axe sur le débat public et le traitement de l’actualité.
M. de Tavernost commence par souhaiter « bon courage ! » à ses voisins. Nicolas de Tavernost est maintenant président de RMC BFM depuis son rachat par CMA CGM. M. de Tavernost annonce qu’il y aura « évidemment » du changement dans les chaînes du groupe en raison du changement d’actionnaire. Il y aura par exemple des investissements afin de diffuser du cinéma sur RMC Story ou RMC découverte qui n’en diffusaient pas jusqu’ici. Pour ce qui est de l’information, il y aura des modifications de structures avec des investissements sur le digital. Les chaînes info resteront sur l’actualité et pas sur le talk comme le font d’autres chaînes d’information. Conformément à la loi, une clause de départ a été ouverte du fait du changement d’actionnaire. 28 personnes l’ont activée sur plus de 800 salariés. M. de Tavernost estime qu’il y a trop de groupes sur le marché français par rapport à la segmentation du marché (radio et télévision). Le chiffre d’affaires est stable et l’audience l’est également ; la multiplication des acteurs réduit les parts du gâteau à se partager. Il faudrait selon lui permettre les regroupements pour éviter l’émiettement du marché. M. de Tavernost vise ensuite les normes anti-concentration contenues dans la loi de 1986 qui encadre les possibilités de regroupement sur le marché, qui doivent selon lui être revues. On notera que le président de l’ARCOM estime également que ces mesures doivent être actualisées. M. de Tavernost invite aussi le régulateur à s’intéresser davantage aux agrégateurs de services afin de savoir s’il n’y a pas des positions dominantes dans ce secteur. Il rappelle que la mise en avant des programmes par les agrégateurs est un sujet fondamental et qu’elle doit être surveillée. M. Baldelli partage également ses interrogations face aux agrégateurs (MyCanal, TF1+, M6+…) M. de Tavernost salue par ailleurs les mesures relatives aux SIG mais constate qu’elles ne sont pas en application jusqu’ici.
La conversation s’oriente ensuite sur la numérotation de la TNT et notamment sur les modifications prochaines que pourrait opérer l’ARCOM en la matière. Un regroupement des chaînes info est ainsi évoqué ainsi qu’un regroupement des chaînes jeunesses. Au surplus, le non-renouvellement de C8 et NRJ12 laisse les canaux 8 et 12 libres. M. de Tavernost s’oppose à tout changement (il propose un tirage au sort pour attribuer les canaux 8 et 12). Il souligne avec ironie qu’il n’y a que dans l’Evangile que les premiers sont les derniers et inversement. Il souligne justement qu’en matière de numérotation, l’ARCOM doit prendre en compte « l’intérêt du public » selon la loi de 1986. Au surplus, il souligne que dans la pratique, l’ARCOM place traditionnellement les nouveaux entrants en dernier dans la numérotation. Il estime que les premiers numéros doivent être donnés à ceux qui investissent le plus. Il relève que l’intérêt du public est que les numéros de chaîne ne changent pas. La création de blocs thématiques est une possibilité ouverte par la loi de 1986 mais pas une obligation pour l’ARCOM. Si cela était fait, M. de Tavernost estime qu’il faudrait dans ce cas à minima mettre en place une étude d’impact sur la question pour déterminer préalablement à ce choix quelles en seraient les conséquences. M. Bakhouche souligne que la situation est inédite car deux chaînes n’ont pas été renouvelées et qu’ainsi deux canaux sont libres. M. Bakhouche aimerait bien entendu être le plus haut possible dans la numérotation par exemple dans les douze premiers car il va être dur de s’imposer s’ils sont en numéro 26 ou 27. Il souligne également que le regroupement des chaînes info et jeunesse pourrait favoriser les grands groupes. M. Baldelli estime également que la numérotation est essentielle et peut être une question de vie ou de mort pour une chaîne, notamment pour les nouveaux entrants. Il estime que les affirmations de M. de Tavernost (les nouveaux entrants doivent avoir les derniers numéros) sont basées sur un syllogisme inexacte car il y a deux canaux de libre (8 et 12) : il y a des entrants et des sortants pour la première fois et il y a deux positions de numérotation disponibles. Il estime que si l’ARCOM faisait le choix d’attribuer les dernières places aux nouveaux entrants alors même que les canaux 8 et 12 sont libres, cela établirait une pratique regrettable qui reviendrait à dire que les nouveaux entrants seront toujours placés en queue de peloton en matière de numérotation ce qui enverrait un mauvais message (si vous êtes sélectionné, vous serez dernier) pour les entreprises souhaitant nouvellement investir dans la TNT. Il rappelle ainsi que deux appels d’offres conséquents seront lancés par l’ARCOM dans les 8 prochaines années. M. de Tavernost considère que l’ARCOM a acté la stabilité des numéros lorsqu’elle a accepté que les chaînes puissent être nommées par un numéro : « W9 s’appelle comme ceci car elle occupe le canal numéro 9 sur la TNT et on n’imagine pas W9 s’appeler W12 ». Il reconnaît néanmoins que juridiquement, les chaînes ne sont pas propriétaires de leur numéro. Au surplus, il rappelle que la situation n’est pas si inédite que cela et rappelle que La cinq avait déjà cessé d’émettre sur la TNT en avril 1992 pour être remplacée par une chaîne publique et que la 6 n’a pas candidaté sur ce canal. M. Baldelli conclut en expliquant avec malice que justement, le canal 5 avait été attribué à l’époque à… un nouvel entrant.