Auditionné avec l’équipe de direction de C8, le 9 juillet au matin, pour défendre la candidature de la chaîne au renouvellement de son autorisation TNT, Maxime Saada a défendu le modèle de la première chaîne de la TNT qui repose sur le direct, « consubstantiel à la chaîne » et en adéquation complète avec la plateforme TNT, tout en proposant, pour répondre aux préoccupations de l’Arcom, de ne plus diffuser en direct les émissions de Cyril Hanouna.
En préambule, Maxime Saada a détaillé de nouveau la stratégie globale du Groupe Canal+ qui « a dû se réinventer et se transformer », en s’appuyant sur trois piliers : le « redressement économique », l’« accélération de la digitalisation », en capitalisant sur la plateforme myCanal, lancée en 2013, aujourd’hui déployée dans plus de 30 pays, et l’« Internationalisation » avec 26 millions d’abonnés dans plus de 50 pays, dont 18 millions d’abonnés francophones qui peuvent regarder C8, « disponible dès le premier niveau de nos offres commerciales en Afrique » (lire sur la plateforme INSIGHT NPA Canal+ veut garantir l’homogénéité de son offre commerciale avec la TNT, mais garde confidentiel le nombre de ses abonnés)
Le groupe Canal+ est un acteur singulier du paysage audiovisuel français grâce à quatre axes de différenciation majeurs :
- un volume d’investissement massif et pérenne dans les contenus locaux ;
- le soutien du déploiement de la plateforme TNT sur l’ensemble du territoire avec l’animation de TNT SAT et désormais une nouvelle offre nommée TV+, qui réunit 100 % des chaînes de la TNT et des programmes exclusifs de Canal+, qui s’adresse principalement aux jeunes de moins de 26 ans dont 15 % ne possèdent pas d’écran de télévision, et pour lesquels « il a été nécessaire de réinventer cette accessibilité aux chaînes de la TNT » ;
- un attachement « à représenter la diversité de la société dans tous les programmes ». Ainsi, par exemple, l’émission Touche pas à mon poste, « accueille tous les vendredis autour de la table des personnes en situation de handicap, visibles ou non, en qualité de chroniqueurs », ce qui a permis « de donner une visibilité considérable à ces intervenants » ;
- Enfin, dernier axe de différenciation, une place privilégiée accordée aux programmes en direct, « gage d’un lien immédiat avec nos publics ». Cette caractéristique s’applique particulièrement à C8. « Le direct est constitutif de C8. Direct 8, devenu C8, a eu dès son lancement pour colonne vertébrale le live. Ce sont près de 1 000 heures de directs par an qui permettent de donner à la grille de la chaîne son ton unique ». « Ce volume de directs est une spécificité plébiscitée par l’ensemble des catégories de téléspectatrices et téléspectateurs de C8 ».
Maxime Saada a ensuite rappelé les performance de C8 en termes d’audience. « Ces audiences démontrent sans équivoque l’intérêt renouvelé et croissant du public à l’égard de cette chaîne. Son succès a permis à notre régie de s’établir comme un acteur important du paysage audiovisuel français, de se positionner en troisième position après celles de TF1 et M6, et de constituer une véritable alternative à ce duopole ». Fort de ces résultats publicitaires, C8 suit « une trajectoire économique positive. Nous serons proches de l’équilibre financier dès l’année prochaine et nous devrions être profitables dès l’année suivante ».
La TNT reste décisive pour les chaînes gratuites du groupe dont le modèle économique est fondé sur la publicité, « elle-même intrinsèquement liée à la TNT gratuite. Le taux de couverture reste le premier indicateur recherché par les annonceurs ».
C8 s’inscrit dans le projet global du Groupe Canal+ en permettant « de renforcer notre positionnement sur le marché du gratuit, essentiel, alors nous voyons aujourd’hui émerger des offres dites hybrides, c’est-à-dire des offres de plateforme qui mixent abonnement et publicité (…) nous sommes convaincus de la pertinence de notre projet bicéphale sur la TNT gratuite et sur la TNT payante », pour le groupe mais également pour l’ensemble du tissu audiovisuel, « car la complémentarité entre la TNT payante et la TNT gratuite est vertueuse et structurante pour le paysage audiovisuel national ».
Un « nouveau processus nous permettant de garantir la maîtrise de l’antenne »
Gérald-Brice Viret, Directeur général de Canal+ France en charge des Antennes et des programmes a ensuite détaillé la grille actuelle de C8 avant d’annoncer un nouveau processus « nous permettant et de garantir la maîtrise de l’antenne » pour éviter que ne se reproduisent les différents manquements relevés par l’Arcom cette saison. « Tous les différents manquements – nous sommes d’accord sur certains, pas d’accord sur d’autres – concernent cette émission qui s’appelle « Touche pas à mon poste » autour d’un animateur célèbre, Cyril Hanouna. Est-ce que C8 souhaite se séparer de Cyril Hanouna ? Bien sûr que non. Puisque Cyril Hanouna, s’il n’est pas sur C8, sera dès demain sur une autre chaîne. Il a reçu encore il y a quelques mois des propositions.
Il s’agit de profiter de la force de cette émission pour qu’elle soit irréprochable. Et c’est pour ça que nous allons tester un nouveau système de mise à l’antenne ».
Ce nouveau système a été détaillé par Franck Appietto, directeur général de C8. « Nous avons décidé pour la rentrée de faire un time-delay suffisamment important pour TPMP qui nous évitera tout débordement. Du moins, je l’espère. Évidemment, je le souhaite. Et donc ce time-delay sera effectif dès les premiers jours, c’est-à-dire à la rentrée de septembre (…) On a un time-delay qui nous permet de faire du montage. Donc on envisage entre 45 minutes et une demi-heure de time-delay ». Cyril Hanouna est « totalement en phase avec ça ». De plus, « nous avons demandé à la production, notamment la rédaction en chef de l’émission, de davantage sécuriser toutes les séquences afin d’éviter toutes les mésaventures que nous avons vécues ».
La durée exacte du time-delay est encore en discussion en fonction notamment de l’agenda de Cyril Hanouna et des équipes de H20 Productions.
Il s’agit d’un engagement supplémentaire pris par la chaîne pour répondre aux demandes de l’Arcom précise Maxime Saada. « C’est une proposition de notre part ». Les conseillers et Roch-Olivier Maistre s’étonnent que cette proposition soit faite précisément ce matin et n’ait pas été mise en œuvre bien avant eu égard au passif de la chaîne et de l’historique des sanctions.
Laetitia Ménasé, secrétaire générale de Canal+, est ensuite revenue sur les sanctions prononcées par l’Arcom et sur le fonctionnement du comité d’éthique, « qui est extrêmement actif au sein du groupe Canal », dont les membres «ont rencontré à plusieurs reprises Cyril Hanouna » cette saison.
La discussion a ensuite porté sur l’indépendance éditoriale de la chaîne vis-à-vis de son actionnaire. Elle est « totale » et le fait que la dette de C8 soit « effacée à coup d’éponge par l’actionnaire » n’y change rien. D’ailleurs « l’actionnaire a beaucoup plus contribué au financement des chaînes payantes, des droits sur le long terme, des acquisitions de Canal+ à l’international ou en France, que sur les chaînes gratuites (…) par ailleurs, le projet que nous avons d’introduction de Canal+, en bourse, renforcera encore l’indépendance de Canal+, vis-à-vis d’actionnaires éventuels, aujourd’hui de Vivendi, en tout cas ». L’objectif, pour toutes les chaînes du groupe, c’est la rentabilité. C8 « perdait en 2017 près de 70 millions d’euros par an. Aujourd’hui, on est plutôt autour de 20 millions d’euros, donc on n’est pas encore à l’équilibre, mais on y travaille ».
Un plan d’affaires très ambitieux
Le plan d’affaires de C8 est très ambitieux. La conseillère Juliette Théry note que les prévisions publicitaires sont à peu près 4 fois plus optimistes que celles de l’étude réalisée cette année par l’Arcom et la DGMIC. Selon Dorothée Alabeurthe, Directrice Marketing de la régie Canal+ Brand Solutions, le modèle économique repose sur une stabilité des recettes pubs TV au global puis une légère décroissance à partir de 2026 (-1,4%). Mais C8 sera néanmoins en croissance car elle capitalisera sur sa position de première chaîne de la TNT et bénéficiera de la commercialisation groupée des espaces publicitaires par la régie (chaînes, gratuites, chaînes payantes mais également chaînes ou plateformes d’éditeurs tiers comme Max de Warner Bros. Discovery, par exemple), « ce qui fait qu’on peut être beaucoup plus large, en fait, dans notre proposition auprès des annonceurs ». Enfin, C8 va bénéficier d’un levier essentiel, celui des inventaires digitaux avec la TVsegmentée qui va monter en puissance, « avec la multiplication des ciblages disponibles sur ce segment qui est vraiment très dynamique ». Et les inventaires vont se multiplier chez les FAI et sur myCanal. « On n’est encore qu’au début de la monétisation des inventaires digitaux ». Roch-Olivier Maistre n’est « pas sûr d’avoir bien compris toutes ces explications » puisque le CA est en baisse tous les ans avec une tendance structurellement déficitaire même si elle s’améliore en effet. Amandine Ferré précise que le poids de la dette va disparaitre avec le projet d’IPO ce qui va permettre d’améliorer la rentabilité de la chaîne. Maxime Saada précise que c’est Vivendi qui va recapitaliser Canal+. Et donc C8. Ce sera visible dans les comptes de Vivendi pour l’année 2024.
Les points à retenir
Positionnement :
Le direct est constitutif de C8.
C8 est « une chaîne généraliste aux innombrables facettes (…) une chaîne populaire, au sens le plus noble du terme, une chaîne qui prouve sa vivacité et qui prouve surtout la vivacité du média télé ».
Audience :
« C8 est bien la première chaîne de la TNT aujourd’hui. Elle réunit plus 9 millions de téléspectateurs cumulés chaque jour et 44 millions de téléspectateurs cumulés par mois. ».
C8 « est la chaîne qui réunit le plus de téléspectateurs en prime. Depuis le début de l’année, nous avons réalisé plus de 29 primes à plus d’un million de téléspectateurs, soit 10 de plus que notre concurrent principal ».
C8 s’adresse chaque jour à près de 2 millions de téléspectateurs âgés de 15-34 ans, près de 3 millions âgés de 25 à 49 ans et plus de 4 millions âgés de plus de 50 ans. « C’est une structure d’audience unique parmi les nouvelles chaînes de la TNT ».
Modèle économique :
Les fortes audiences de C8 ont permis à la régie publicitaire du Groupe Canal+ de devenir la troisième régie la plus importante derrière celles de TF1 et M6.
« Plus de 1000 annonceurs font le choix des chaînes du groupe Canal+, près de 700 choisissent C8. Conséquence directe, C8 est l’une des chaînes de la TNT dont les espaces publicitaires sont les plus complet avec trois heures vingt-sept de publicité par jour ».
C8 suit « une trajectoire économique positive. Nous serons proches de l’équilibre financier dès l’année prochaine et nous devrions être profitables dès l’année suivante ».
C8 « perdait en 2017 près de 70 millions d’euros par an. Aujourd’hui, on est plutôt autour de 20 millions d’euros, donc on n’est pas encore à l’équilibre, mais on y travaille ».
Contribution à la création :
La chaîne C8, « est systématiquement mieux-disante en matière de diffusion et de mise en avant des contenus français et européens par rapport à ses obligations. A titre d’exemple, la chaîne diffuse 84 % d’œuvres audiovisuelles européennes pour une obligation de 60 %. Et 57 % de ces œuvres sont d’expression originale française contre une obligation de 40 % ».
C8 s’engage, au-delà de ses obligations actuelles, à diffuser un minimum à 70 spectacles vivants.
C8 s’engage à atteindre la parité homme-femme sur son antenne dès la rentrée, « nous y sommes presque ».
Le Groupe Canal+ va également systématiquement au-delà de ses obligations en matière de sous-titrage pour les sourds et malentendants pour l’intégralité de ses chaînes gratuites et payantes de la TNT. « C8, plus particulièrement, veille à s’adresser à toutes et à tous en proposant l’intégralité de ses programmes en version sous-titrée. Notre journal télévisé quotidien (…) est ainsi diffusé en langue des signes française. C8 est l’une des rares chaînes généralistes à présenter cette spécificité ».