L'édito de Philippe Bailly

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Tiphaine de Raguenel (France Télévisions) : « Il faudra faire des choix. On ne mettra pas sur 3 chaînes ce que nous diffusions sur 5.»

Alors que la disparition de France 4 doit intervenir après les Jeux Olympiques  cet été, les équipes de France Télévisions travaillent sur différents scénarios pour redistribuer une partie des programmes, de la chaîne, notamment ceux pour la jeunesse, sur France 2, France 3, France 5 et les plateformes numériques du groupe. L’arrêt de France Ô à l’été 2020, a déjà conduit à redéployer une partie de ses émissions. Tiphaine de Raguenel, directrice de la stratégie éditoriale, admet qu’il faudra faire des choix. Sans sacrifier la ligne éditoriale des trois chaînes restantes. D’autres genres que l’animation seront impactés par ricochet.

Tiphaine de Raguenel, directrice de la stratégie éditoriale de France Télévisions  Image : France Télévisions

NPA Conseil : Que vous inspire la décision de la BBC de rediffuser en linéaire sa chaîne BBC Three, quant à la disparition programmée de France 4 l’été prochain ?

Tiphaine de Raguenel : La décision de l’arrêt de France 4 ne dépend de France Télévisions mais d’un décret.  L’exemple de la BBC montre qu’il n’est pas évident de se passer du linéaire, même quand on s’adresse, comme BBC Three, à un public de jeunes adultes, le plus consommateur d’offres numériques. La BBC revient sur le linéaire parce qu’aujourd’hui, on doit raisonner en média global, présent à la fois sur le linéaire et le délinéaire. Les deux sont intrinsèquement liés pour toucher largement son public.

Les grands services publics européens, comme la RAI en Italie, ou la TVE en Espagne, ont conservé leurs chaînes enfants et utilisent les plateformes numériques pour accompagner l’évolution des usages. La stratégie de France Télévisions a été de lancer sa marque jeunesse Okoo, en ligne et sur France 4.

L’arrêt de France 4 anticipe l’évolution des usages, alors que les enfants consomment encore 1h30 de télévision par jour.  La télévision en live représente près de 80 % de leur temps de consommation vidéo.

NPA : Comment redéployer l’offre de programmes de France 4 et de France Ô sur les autres chaînes ?

TdeR : On ne pourra pas mettre sur 3 chaînes ce que nous diffusions sur 5, tout en gardant une promesse suffisamment claire pour chaque chaîne.

Pour l’animation, nous avons pris l’engagement de redéployer 3 750 heures sur trois chaînes du groupe (France 2, 3, 5) dans des cases jeunesse dédiées. C’est un mouvement à rebours de ce qui se fait ailleurs en Europe et des usages des enfants qui vont sur des chaînes dédiées plutôt que sur des généralistes.

Le volume de programmes diffusables sur France 2, France 3 et France 5 est contraint, et il faut tenir compte des horaires auxquels les enfants sont disponibles. Avec l’arrêt de France 4, on va diminuer de 30 % notre couverture quotidienne du public enfants. Notre défi est de garder le lien entre la télévision public et le public enfants dans ce contexte. On se prépare, on a installé sur France 5 depuis février un programme ludo -éducatif intergénérationnel, C Jamy, à 17h.

Nous avions d’ores et déjà limité le cinéma sur France 4 [116 films diffusés en 2019 selon le CNC. NDLR] et réorganisé les soirées autour de l’offre ludo-éducative Lumni et des magazines sur l’éducation, Les Maternelles et La Maison des Maternelles.

Après l’arrêt de France 4, il faudra nécessairement faire des choix pour programmer les programmes jeunesse et éducatifs au détriment d’autres genres, notamment les magazines et les documentaires…. Nous ébauchons des scénarios, mais nous n’aurons pas arrêté de plan définitif avant fin avril.

NPA : Et quid de l’offre de sport de France 4 ?

TdeR : France 4 a des engagements contractuels d’exposition de certains sports que nous devrons honorer sur d’autres chaînes. On avait aussi pris des engagements d’exposition du sport junior et du sport féminin. Tout ne pourra être réintégré ailleurs.

NPA : Et depuis l’arrêt de France Ô à l’été 2020, avez-vous pu redéployer son offre de programmes ?

TdeR : Parler de l’outre-mer et lui donner une visibilité en s’adressant à une cible large, sur l’ensemble des chaînes du groupes, s’intègre de façon plus naturelle dans une grille généraliste. Avec le pacte de visibilité des Outre mer, nous avons posé les bases dans les programmes d’information, dans l’offre documentaires et de fiction (Lire notre article dans ce dossier « le dilemme des programmes jeunesse et sport de France Télévisions). Et sur le numérique le portail des Outremer lancé en juin 2020 propose non seulement de l’information ultra marine mais des fictions et des documentaires.

NPA : France Télévisions a renouvelé son engagement d’investissement dans la production d’animation à hauteur de 32 M€ par an quel que soit l’avenir de France 4. Si vous diffusez moins d’heures en linéaire, allez vous mieux financer chaque heure ?

TdeR : Nous resterons le premier financeur de l’animation en France. Nous investissons sur des programmes cohérents avec le positionnement d’Okoo et capables de distinguer une offre de service public. Le choix se fait ensuite du meilleur mode de diffusion : un lancement événementiel en numérique et une diffusion linéaire, ou une diffusion exclusivement en numérique, par exemple pour des formats feuilletonnants, une nouveauté dans l’animation. Notre investissement par programme est indépendant du mode de diffusion.

NPA : Quelle économie pour le budget programmes de France Télévisions peut générer l’arrêt de France 4 ?

TdeR : Des économies très limitées. Nous avons déjà beaucoup réaménagé la grille de France 4, et elle représente moins de 1 % du budget programmes global de France Télévisions

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