Une fois encore, le télescopage des annonces leur donne une portée singulière. Au cours de la même journée, Netflix a annoncé avoir franchi au 1er trimestre le cap des 80 millions d’abonnés dans le monde, tandis que le groupe Sky et le studio Sony Pictures ont dévoilé l’output deal permettant au premier d’acquérir les droits de diffusion des productions du second, pour l’ensemble des territoires sur lesquels il opère (Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Autriche, Italie). Au final, le mouvement vers un univers audiovisuel mondialisé semble décidément bien engagée.
Ainsi que le relève Les Echos, « les studios hollywoodiens avaient jusqu’alors l’habitude de négocier pays par pays la vente des droits de leurs films (afin de) maximiser leurs revenus ». Et les distributeurs étaient de leur côté limités dans leurs velléités d’internationalisation par l’importance de l’infrastructure à déployer (parc de décodeurs à installer, transpondeurs à louer et/ou accords avec les câblo-opérateurs et les telcos à multiplier…).
Le déploiement des réseaux haut débit et leur corollaire – possibilité de streamer vers le monde entier en louant de la ressource dans le cloud et en s’appuyant sur la capacité des CDN – efface chaque jour un peu plus les frontières. Quand Sky a mis près de trois décennies pour déployer ses offres dans une petite douzaine de territoires – en y rachetant des acteurs locaux en difficulté – il n’a pas fallu plus de temps qu’un simple claquement de main à Reed Hastings pour lancer Netflix dans 130 nouveaux pays lors du dernier CES.
Et la tendance ne semble pas prête de s’inverser : en annonçant en début de semaine qu’il serait désormais possible de s’abonner à son offre de vidéo indépendamment de son offre de livraison gratuite Prime, Amazon confirme, selon les termes du Figaro, qu’il a « fait de la SVOD un axe majeur de son développement pour les prochaines années (quitte pour cela) à s’attaquer de front à Netflix ». Grande Bretagne, Allemagne et Scandinavie ne devraient donc pas rester ses seules terres de conquête en Europe. HBO (Time Warner) poursuit une stratégie mixte d’accord de vente de droit à des partenaires locaux (OCS pour la France) et de services stand alone (en Scandinavie et en Europe Centrale, en Amérique Latine, en Asie, au Canada… et bien sûr aux Etats-Unis). Et Facebook, YouTube, Twitter ou encore Yahoo! confirment chaque jour la place croissante de la vidéo – majoritairement gratuite pour l’heure mais de plus en plus premium – dans leur stratégie.
La maîtrise des droits constitue un facteur clé de succès dans cette compétition planétaire. Ses participants l’ont bien compris. La montée en puissance de leurs créations originales leur apporte ainsi un volume croissant (600 heures cette année pour Netflix) de programmes exclusifs dont ils maîtrisent l’exploitation sur l’ensemble des territoires. Et les négociations d’achats de droits ont elles aussi largement dépassé le seul cadre national, à l’exemple du deal entre Netflix et Disney qui porte sur… 190 pays.
En signant avec Sony Pictures, Sky sécurise ainsi son accès aux blockbusters du studio et se prémunit contre les risques de rights cutting ; l’échange de participations conclu avec le groupe Mediaset (présent en Italie et en Espagne) et le rachat de ses activités de TV payante ouvrent à Vivendi la voie vers la constitution d’un « Netflix de l’Europe du Sud » se prolongeant avec Canal+ Afrique au Sud de la Méditerranée. Dans un cas comme dans l’autre, les acteurs de la Pay TV semblent maintenant avoir intégré la nécessité d’internationaliser leur logiciel.