L'édito de Philippe Bailly

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Audiovisuel public : la Belgique comme source d’inspiration pour le « rassemblement des forces »

Auditionnée ce mardi 19 mars par la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale, Rachida Dati a confirmé la triple orientation qu’elle avait dessinée quelques jours auparavant au Sénat : faire adopter une loi afin d’installer la « gouvernance unique » permettant à l’audiovisuel publique de « rassembler ses forces », aller « au combat » pour obtenir la sanctuarisation de son financement par l’affectation pérenne d’une fraction du produit de la TVA, et finalement agir avec les sociétés de l’audiovisuel public pour qu’elles entreprennent sans attendre la mise en œuvre des synergies opérationnelles qui ne dépendent pas du cadre législatif.

Le coup de projecteur sur les services publics audiovisuels européens que propose l’Insight NPA ce 21 mars permet d’éclairer les propos de la ministre de la Culture.

Sur la nécessité de « rassembler les forces » d’abord ou, en d’autres termes, d’optimiser les moyens. Comparée aux cinq autres pays européens étudiés (Allemagne, Belgique Francophone, Espagne, Italie et Royaume-Uni), la France se situe dans la deuxième partie du tableau en termes de dépense publique par habitant, deux fois moins qu’en Allemagne (un peu moins de 49 €, contre près de 98 €), et loin encore du Royaume-Uni (-30 %) ou de la Fédération de Wallonie Bruxelles (presque -40 % ; lire par ailleurs dans cet Insight NPA : L’audiovisuel public français moins bien financé qu’au Royaume-Uni et surtout en Allemagne)

Mais, dans le même temps, la France est aussi la seule à conserver des entités différentes au sein de l’audiovisuel public, quand tous nos voisins, à l’exception de l’Allemagne, ont rassemblé télévision, radio et audiovisuel extérieur dans une même structure. Depuis de nombreuses années pour la plupart.

Autrement dit, loin de pouvoir rattraper par une organisation affutée une partie de son écart de financement, l’audiovisuel public français se prive aujourd’hui de la capacité à rationaliser ses coûts informatiques, mutualiser les fonctions centrales et, plus globalement, optimiser ses coûts de structure.

Quant aux synergies qui pourraient être entreprises dès maintenant, comme y invite la ministre, le numérique s’impose comme une évidence. Alors que TF1 et M6 accélèrent dans leur stratégie de plateformisation plus encore.

En Italie, le « Plan industriel » adopté il y a quelques semaines par le conseil d’administration de la RAI a retenu la transformation numérique de l’entreprise comme objectif prioritaire. Les directions sont les mêmes en Allemagne, en Grande Bretagne, ou encore en Espagne. Mais alors que les Allemands en sont encore à l’étude du rapprochement des plateformes de l’ARD et de la ZDF, c’est la Belgique qui offre la plus belle combinaison de mutualisation et de transformation : depuis bientôt 10 ans, la RTBF a regroupé sur Auvio l’ensemble de ses contenus audio et vidéo. Le point d’entrée partagé aide à répondre à l’enjeu de la « trouvabilité » ; la plateforme technologique est unique ; les équipes ont été formées pour acquérir la polyvalence leur permettant de gérer des sources hétérogènes… et, au-delà, d’en faire la source d’une « véritable « expérience augmentée » de la TV et de la Radio ». Au final, et « alors que la Fédération de Wallonie-Bruxelles compte moins de 4,5 millions d’habitants, elle comptabilise 4,3 millions de compte inscrits et, chaque mois, près de 8,3 millions d’écoutes de visions ou écoute (site et app audio) », expose la directrice générale Directrice Générale du Pôle Contenus de la RTBF Sandrine Roustan (Lire par ailleurs dans cet Insight NPA : Sandrine Roustan : « concentrer les points d’entrée pour répondre à l’enjeu de la découvrabilité »).

Mais le développement de plateformes de streaming capables de répondre à de très forts pics de charges, compatibles avec les innombrables systèmes d’exploitation et garantissant à l’utilisateur une expérience digne des meilleurs standards internationaux tient aujourd’hui de l’industrie lourde. Ou presque.

On comprend, dans ces conditions, que Rachida Dati exhorte France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA à se mettre en mouvement sans tarder. Elle aura l’occasion, dès ce vendredi, d’en entretenir leurs dirigeants au cours des rendez-vous qu’elle a évoqués pendant son audition à l’Assemblée nationale.