L'édito de Philippe Bailly

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La production audiovisuelle européenne à l’aube d’une nouvelle consolidation

Alors que le MIPCOM ouvrira ses portes le 16 octobre, l’Insight NPA propose ce 12 octobre sa cartographie annuelle des principaux groupes de production européens : Banijay, ITV Studios, BBC Studios, Fremantle, All3Media, Mediawan, Newen et Federation, rejoints en 2023 par Asacha Media.

L’exercice prend cette année une acuité particulière puisque les deux actionnaires de All3Media (Liberty Global et Warner Bros. Discovery) ont officiellement lancé un processus de vente, que les propositions des candidats au rachat sont attendues avant la fin du mois, et que l’opération pèsera sur la structuration du secteur en Europe :  renforcement du leadership de Banijay s’il est l’acquéreur, mais émergence d’un nouveau numéro un s’il s’agit d’ITV Studios ou de Fremantle, tous deux candidats.

D’autres changements de main pourraient intervenir au cours des prochains mois. ITV était donné il y a peu potentiellement vendeur de sa filiale de production. Asacha Media est à la recherche d’un investisseur pour compléter ou relayer Oaktree qui a aidé à sa montée en puissance depuis 2020. Un autre groupe – au moins – parmi le « Major 9 » de NPA Conseil est lui aussi à la recherche de nouveaux actionnaires.

Avec environ 20 % de croissance du chiffre d’affaires en 2022, des revenus qui restent orientés à la hausse au premier semestre, et une rentabilité opérationnelle (taux d’EBITDA) qui approche souvent les 15 %, les champions européens ont de solides arguments pour séduire les investisseurs.

Mais maintenir les valorisations record atteintes ces dernières années supposera, à court terme, de surmonter la contraction – au moins conjoncturelle – des investissements dans le contenu des plateformes de streaming, alors que celles-ci représentent aujourd’hui une part structurante du chiffre d’affaires des grands producteurs (au-delà de 20 %, par exemple, pour ITV Studios), et que le retour des studios sur le marché du licensing de droit vient concurrencer l’activité de leurs filiales de distribution.

L’érosion de la télévision linéaire au profit du visionnage à la demande est un autre défi, qui pourrait conduire à une transformation plus structurelle. Alors que le poids du flux domine aujourd’hui dans huit des neuf structures étudiées, la plateformisation porte la demande vers les contenus scriptés (fiction, documentaires, animation…), les « émissions du quotidien » (talk-show, magazines, jeux de day time…) peinent à y trouver leur place, et les formats de divertissements capables de générer des volumes de vue significatifs y sont très rares.

A observer les stratégies d’acquisition ou de création de labels qu’ils mettent en œuvre, les différents groupes ont engagé la réorientation de leurs dispositifs, et y font de plus en plus de place aux structures spécialisées dans les contenus scriptés.

Mais, fiction vs flux, l’enjeu, au-delà de la dimension créative, est aussi industriel et financier : temps de développement plus long, montant à investir sensiblement plus élevé, taux de reconduction nettement plus bas… donc au final davantage de risque et des perspectives de retour sur investissement qui se jouent dans la plus longue durée.

C’est aussi sur la capacité à relever ce double défi qu’il faut analyser les forces et les faiblesses des « grands d’Europe » avec, naturellement, une prime à ceux qui bénéficient de l’assise financière la plus solide et sont capables de gérer la transformation de leur modèle avec le plus de facilité.

C’est aussi à partir de cette grille que l’on pourra analyser l’issue du processus de cession d’All3Media et, sans doute, le mouvement plus vaste de consolidation dont elle pourrait donner le coup d’envoi.