De la même façon que les élections législatives n’ont pas totalement apporté la « clarification » qu’Emmanuel Macron évoquait pour justifier la dissolution, c’est dans un paysage quelque peu nébuleux que l’audiovisuel voit arriver l’heure de la trève estivale.
L’un, celui de l’avenir de l’audiovisuel public, est très immédiatement lié à la situation politique. A défaut de lien aussi direct, l’autre l’est, au moins, en termes d’espace-temps, 2e tour des législatives et début des auditions des candidats aux fréquences TNT se sont succédés en l’espace de quelques heures.
Depuis dimanche, on sait ce qui n’adviendra pas de l’audiovisuel public. Depuis le 9 juin que la perspective d’une fusion de France Télévisions, Radio France, l’INA et France-Médias-Monde est repoussée sine die, et depuis le 7 juillet au soir que les deux premières ne seront pas privatisées. Mais on ne sait pas ce qu’il en sera. A l’horizon 2028, puisque la dissolution a interrompu le processus de consultation de l’Assemblée nationale sur les projets de Contrats d’Objectifs et de Moyens, et que le nouveau gouvernement pourrait décider de modifier la copie avant de finaliser ces COM. Ni même à l’échéance du 1er janvier, puisque le financement par l’affectation d’une fraction de TVA ne peut être poursuivi, et que le consensus qui semblait entourer le Prélèvement sur recettes de l’Etat n’a pu être inscrit dans les textes.
A défaut de réactivation rapide du sujet – et sous réserve qu’un gouvernement ait pu préalablement être nommé – le basculement de ce financement sur le budget général de l’Etat ferait courir un double risque à l’audiovisuel public. L’exposition aux régulations infra annuelles, souvent mentionnée, mais qui prend une acuité particulière alors que l’encore ministre de l’Economie Bruno le Maire a évalué à 20 Mds€ les économies à réaliser en 2025. Mais aussi le soupçon de transformation de l’audiovisuel public en média d’Etat, la difficulté à l’accommoder avec les principes du Règlement européen sur la liberté des médias (EMFA), et le risque de remise en cause pour les fréquences allouées par certains pays étrangers à France 24 ou RFI. La radio en avait fait l’expérience en 2022, à Berlin, au moment de la suppression de la redevance audiovisuelle.
Alors qu’il faudra sans doute plusieurs mois à l’audiovisuel public pour sortir de ces incertitudes, les acteurs privés ont l’avantage, eux, d’un horizon plus court et plus prévisible. Après avoir achevé les auditions publiques entamées le 8 juillet, c’est dès la fin de mois que l’Arcom devrait arrêter la liste des 15 attributaires d’autorisations de diffusion, qui structureront le paysage audiovisuel français pour les dix prochaines années, au moins.
Mais pour trouver réponse plus rapidement, les questions n’en sont pas moins structurantes. Sur les chances des dix chaînes gratuites qui concourent d’être toutes reconduites ? sur la probabilité que l’Autorité change l’affectation de certaines fréquences aujourd’hui dévolues à la TNT payante (Planète+ et Paris Première principalement) pour les affecter à de la diffusion en clair ? Et finalement sur les chances que de nouveaux entrants (Ouest France, L’Express, CMI France…) et/ou de nouveaux projets (TF1 en a proposé deux, Humour TV et La Chaîne Histoire) soient retenus ?
Au vu des huit premières auditions, et sans prétendre en rien interférer avec les décisions du régulateur, on peut s’étonner au-delà du peu de place que le numérique occupe dans les échanges des conseillers avec les responsables des différents projets (d’une durée d’une heure trente pourtant), si ce n’est l’invitation, exprimée à plusieurs reprises Benoit Loutrel, à se projeter dans dix ans, soit le terme de l’autorisation qu’ils sollicitent.
Si aucun n’a manqué – circonstances obligent – de souligner la résilience de la TNT et la nécessité de continuer à servir les près de 20 % de Français qui en restent totalement dépendants, l’un des enjeux-clés semble bien en effet, chaque jour un peu plus, dans la capacité à articuler avec succès diffusion hertzienne et streaming. Avec, comme autant de sous-sujets, l’alimentation des plateformes en droits longs, le niveau des investissements permettant de garantir au téléspectateur un accès fluide et de qualité, l’évolution des stratégies de distribution, les prévisions sur le poids des box de FAI dans les usages, la relation avec les gestionnaires d’environnements connectés (Google, Apple, Samsung, LG…).
Il aurait été passionnant d’entendre les candidats sur ces différents aspects, et sans doute précieux pour les conseillers au moment de faire leurs choix ? Peut-être ces derniers ont-ils jugé que la capacité à avoir respectivement lancé myCanal, TF1+ et M6+ valait, pour Canal+, TF1 et M6, garantie de maîtrise de ces multiples enjeux. Les auditions des nouveaux entrants potentiels permettront de vérifier s’il s’agissait effectivement d’un parti pris.
C’est en rythme estival que l’équipe de NPA Conseil suivra ces développements : nous vous donnons rendez-vous le 23 août pour la parution de notre prochaine note hebdomadaire… mais parce que l’actualité s’annonce très dense au cours des prochaines semaines, nous vous proposons de recevoir gracieusement notre mail d’information quotidien jusqu’à la fin du mois. Il vous suffit pour cela de cliquer ici.
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