La campagne publicitaire que FranceTV Publicité a dévoilé en début de semaine est singulière. Dans la forme autant que dans le fond. Signée par l’agence Altmann-Pacreau, elle comporte trois visuels et deux films et est appelée à se déployer en print et en digital.
Concernant la forme, donc, on reste sceptique en visionnant ces derniers. L’un démarre avec ce qui semble être un documentaire animalier sur la migration des oies bernache. Il faut attendre 12 secondes pour qu’un avion traversant le ciel en tirant une banderole publicitaire puisse mettre la puce à l’oreille du spectateur, et 9 de plus, pour arriver à la révélation ; le second reprend les codes des films d’aventure, version exploration de pyramide, et c’est à la 10e seconde qu’une affiche publicitaire de fast food vienne perturber le récit puis, qu’à la 20e cette fois, qu’on découvre la signature, puis l’auteur de la campagne. Le premier film dure 27 secondes au total, le deuxième 24.
Cette combinaison de formats longs, proche du traditionnel « 30 secondes » des campagnes TV, et d’un message concentré en fin de spot n’apparaît pas comme le meilleur gage d’efficacité : depuis 2017, YouTube n’autorise plus les spots « non désactivables » (impossibles à zapper) de plus de 15 ou 20 secondes. La campagne de France Télévisions devra donc être proposée sous forme « d’annonces vidéo désactivables (qui) peuvent être ignorées par les utilisateurs après cinq secondes », selon les termes de Google. Or, une étude conduite en février 2017 par IPG Research auprès de 11 000 internautes américains indiquait que deux sur trois skippent les pré-rolls publicitaires sur ordinateurs, et même 84% sur le mobile. Si l’on considère que les usages ne sont pas sensiblement différents de ce côté de l’Atlantique, FranceTV Publicité peut redouter une difficulté certaine à faire émerger son message.
S’agissant maintenant du fond, la campagne vise à « mettre en avant les atouts » de la régie, selon les termes de son communiqué de presse. Si l’objectif n’est pas surprenant, la baseline retenue pour le remplir l’est davantage : « Quand la pub envahit les programmes, elle a moins de chance de plaire au spectateur », affirme la baseline.
Les publicitaires auraient pu s’attacher à la qualité de l’environnement éditorial que les chaînes publiques offrent à leurs annonceurs.
Ils auraient pu filer le triptyque publicité / émotion / efficacité sur lequel la régie s’était positionnée fin 2017.
Ils auraient pu élargir la perspective et vanter la valeur du combo vidéo premium / téléviseur écran du grand spectacle.
L’agence a choisi le tacle… voire le croche-pied : la réglementation qui s’applique en matière de publicité clandestine (la pub qui « envahit » indûment le programme) et le placement de produit est la même pour les chaînes publiques et privées.
« La télé change. La pub aussi », affirme depuis deux ans la signature de FranceTV Publicité, sur une création – déjà – d’Altmann-Pacreau. Il est une tradition que perpétue l’agence, en revanche : celle des guerres Picrocholines consistant à taper sur son voisin plutôt que de faire front face à la menace commune.