Changements de patrons des rédactions et/ou de directeurs généraux à M6, à BFM Business, à RMC et peut-être, prochainement, à Europe 1, évocation, par Arnaud Lagardère lui-même, d’une vente possible de RFM et de Virgin Radio… Le mercato radio 2019 se joue décidément davantage côté bureaux que côté micro, avec une toile de fond institutionnelle qui pourrait peser sur les marges de manœuvre des nouveaux managers, et plus encore sur la valorisation des deux antennes musicales.
Les arbitrages retenus par le gouvernement dans le projet de loi audiovisuel et les amendements éventuellement votés lors de sa discussion parlementaire ne seront d’abord pas sans conséquence sur le nombre des candidats possibles à leur rachat. L’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 stipule en effet qu’un même acteur ne peut « disposer en droit ou en fait de plusieurs réseaux que dans la mesure où la somme des populations recensées dans les zones desservies (…) n’excède pas 150 millions d’habitants ».
Sauf cession de certaines antennes, cela semble exclure NRJ (116 millions d’habitants couverts via NRJ, Nostalgie, Chérie, Rire et Chansons, d’après les décomptes publiés fin 2012 par le CSA), et M6/RTL (110 millions, avec RTL, RTL 2 et Fun Radio). Resteraient, parmi les détenteurs de réseaux nationaux Altice (54 millions à travers RMC et BFM Business) et Skyrock (30 millions d’habitants) et, sous réserve qu’ils parviennent à financer l’opération, les « challengers » Sud Radio, MFM, Chante France ou encore le leader des indépendants, le groupe 1981. L’arrivée d’un nouvel entrant constitue également une possibilité : Le Figaro évoque l’intérêt de TF1 pour le dossier (le groupe assure déjà la régie publicitaire des Indés et augmenterait ainsi sa force de frappe commerciale).
Mais NRJ – qui « ne fait pas mystère de son intérêt pour Virgin Radio » d’après Le Figaro – peut également tabler sur une évolution du plafond légal de couverture. En 2012, Le CSA avait invité « le Gouvernement et le Parlement à ouvrir une réflexion sur les règles limitant la concentration dans le secteur de la radio, afin de prendre en compte en particulier les évolutions démographiques intervenues depuis leur adoption et de préciser, le cas échéant, les références sur lesquelles la méthodologie de calcul doit se fonder ». Et le déploiement prochain des 24 réseaux retenus pour disposer d’une fréquence nationale en Radio numérique terrestre (RNT) pourrait même rendre indispensable cette remise à plat : la loi de 1986 est aujourd’hui muette sur les seuils de concentration qui seront applicable à cette dernière.
Le financement la diffusion de la RNT sera d’ailleurs aussi à intégrer dans le business modèle des éventuels acquéreurs, comme il est crucial pour l’ensemble des acteurs de la radio : celui-ci est estimé à une trentaine de millions d’euros annuels pour les réseaux nationaux (un peu plus d’un million chacun) et à peu près la même somme pour les antennes régionales. RFM et Virgin Radio cumulés, cela représente près du quart des dix millions de marge qu’elles réalisent annuellement d’après le Figaro ; et pour le secteur dans son ensemble près de 10% du total de son chiffre d’affaires publicitaires net (701 millions d’euros en 2018 d’après l’IREP). Gouvernement et CSA pourront d’autant moins faire l’impasse sur le sujet que les éditeurs ne peuvent pas tabler sur une extinction rapide de la FM qui ferait disparaître le surcoût du simulcast, comme cela avait été le cas en télévision lors du lancement de la TNT (6 ans seulement de double diffusion analogique / numérique).
Concernant RFM et Virgin Radio, les candidats au rachat devront encore intégrer au moins deux variables : l’issue que le ministre de la Culture donnera au débat sur l’autorisation du la publicité adressée et/ou celle de la publicité pour les opérations de promotion du secteur de la distribution, d’abord. L’assouplissement éventuel des quotas de diffusion de chanson francophone, ensuite. Dans le Rapport d’information qu’elle a remis en octobre 2018, la député Aurore Bergé soulignait que « ce système, particulièrement complexe dans sa mise en œuvre, ne semble pas avoir fait la démonstration de son efficacité » et proposait en conséquence de « supprimer, sauf évaluation contraire, les dispositions introduites par la loi du 7 juillet 2016 en matière de limitation des hautes rotations ».
Quatre enjeux clé pour le secteur, donc, et au final la tentation d’un conseil à ceux qui sont tentés par le deal RFM / Virgin Radio : attendre que les trois premiers, au moins, aient décanté, avant d’arrêter le prix qu’ils sont prêts à offrir au groupe Lagardère.