Le 15 avril 2021 marquait la 1000e parution de la note de veille INSIGHT NPA. Pour l’occasion 22 contributeurs exceptionnels partagent leur vision des enjeux clés de l’Horizon 2030.
©Sylvie Lancrenon
NPA : Dans les métiers de la production, le Coronavirus risque-t-il de faire longtemps ressentir ses effets
Bibiane Godfroid : a crise sanitaire a été un choc, dans la production mais, au-delà, pour tous les métiers de la création. Mais cette période, certes compliquée, est aussi source d’optimisme, tant elle a mis en évidence notre formidable capacité à nous réinventer.
Le cas de nos feuilletons l’illustre de manière particulièrement frappante : les tournages ont été interrompus pendant quelques semaines… et puis ils ont repris avec un rythme soutenu dans le parfait respect des règles sanitaires, et avec une grande capacité à s’adapter aux situations les plus complexes, y compris quand c’est un personnage majeur de l’intrigue de Plus Belle la Vie qui a dû, in extremis être remplacée par son double virtuel pour cause de Covid.
Les équipes, dans tous les domaines, ont donné des gages de leur agilité, de leur créativité, de leur détermination, et nos outils et méthodes se sont immédiatement adaptés, y compris pour des métiers aussi complexes que l’animation.
Cela constitue un formidable acquis pour demain, dans un monde où la flexibilité sera plus que jamais une vertu cardinale, face la multiplication des plateformes qui présentent presqu’autant de visions éditoriales, de modèles économiques, et de capacité d’investissement dans les contenus.
NPA : En 2006, déjà, Jean-Louis Missika prédisait La fin de la télévision . La décennie que nous traversons sera-t-elle celle de sa réalisation ?
BG : Notre position nous porte à l’agnosticisme, et l’observation nous pousse à la confiance !… Jamais la consommation de programmes n’a connu un tel engouement. Les chaînes linéaires ont fait mieux que résister en 2020, avec un rebond qui a valu pour l’ensemble des publics, y compris les jeunes de 15-34 ans, et avec le grand retour du principe de l’écoute conjointe.
Dans le même temps, les offres numériques, se sont multipliées, et les plateformes de SVoD ont enregistré des hausses records d’abonnements comme de fréquentation.
C’est sur le terrain de la qualité et de la richesse de leur offre que se joue la compétition. Le risque et la créativité font à nouveau partie du paysage avec, au final, une topologie qui n’est pas si différente de celle dans laquelle nous évoluions historiquement :
- des acteurs privés dont le modèle repose sur la publicité, donc sur l’audience, de la TV gratuite à l’AVoD,
- un modèle payant, dans lequel la SVoD prolonge celui des chaînes à péage, Canal+ en tête,
- Les diffuseurs publics, qui jouent la carte de la complémentarité.
Je n’irai pas jusqu’à paraphraser le Guépard, « il faut que tout change pour que rien ne change », mais du point de vue de la création les curseurs restent assez proches, entre capacité fédératrice d’un côté et plus grande capacité d’exploration, de l’autre.
NPA : Un nouveau cadre réglementaire est en passe de se dessiner. Vous semble-t-il répondre aux demandes de plus grande équité exprimées par les acteurs historiques du PAF ?
BG : On peut en tout cas se féliciter de la mise en application, prévue d’ici l’été, du décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), qui prévoit d’imposer aux plateformes internationales d’investir 20 ou 25% de leur chiffre d’affaires réalisé en France dans la production cinématographique et audiovisuelle.
Celui-ci découle de la Directive SMA, qui garantira dans l’ensemble des Etats de l’Union une meilleure exposition des œuvres européennes.
« La production française sortira encore plus forte, agile et créative de cette crise »
C’est un point d’application concret de la notion de diversité culturelle. C’est aussi, pour une entreprise comme Newen, qui s’est considérablement développée à l’international, une ouverture vers de nouveaux débouchés hors des frontières hexagonales.
Au final, tout cela ouvre un formidable champ des possibles pour les créateurs qui peuvent aujourd’hui s’exprimer avec une grande liberté, dans une multiplicité de domaines et de territoires. Jamais la créativité n’a connu un tel bouillonnement, que ce soit en termes de genres, de formats ou de sujets.
Je suis convaincue que nous sortirons de cet épisode encore plus agiles, plus inventifs, plus solides, plus forts.
Rendez-vous dans cinq ans !