Le 15 avril 2021 marquait la 1000e parution de la note de veille INSIGHT NPA. Pour l’occasion 22 contributeurs exceptionnels partagent leur vision des enjeux clés de l’Horizon 2030.
NPA : Netflix a pris des engagements en termes de neutralité carbone, à court terme, et au-delà de réduction de vos émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre. Pouvez-vous nous en rappeler le contenu et le calendrier ?
Marie-Laure Daridan : La première étape consiste à réduire nos émissions internes, conformément aux objectifs de l’Accord de Paris. Nous allons également réduire nos émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre (GES) de 45 % d’ici 2030, en accord avec les recommandations du programme Science-Based Targets.
Ensuite nous allons œuvrer à la conservation d’écosystèmes existants qui stockent du CO2. En effet, d’ici la fin de l’année 2021, nous allons neutraliser les émissions qu’il nous est impossible d’éliminer en investissant dans des projets qui retiennent le CO2. Nous commencerons par préserver les zones naturelles en danger comme les forêts tropicales, qui sont essentielles à la réalisation des objectifs climatiques mondiaux.
Pour finir, nous rapporterons toutes nos émissions restantes à zéro d’ici la fin de l’année 2022, en investissant dans la régénération d’écosystèmes naturels essentiels. Ces projets, tels que la restauration de prairies, de mangroves et de sols sains, permettront de séquestrer le CO2.
NPA : On lit que le streaming vidéo est responsable de 1 % des émissions carbone mondiales. Cette estimation vous semble-t-elle fiable ?
M-LD : Ce chiffre est inexact et se fonde sur des estimations, non des données réelles. Le calculateur DIMPACT, développé par des chercheurs de l’université de Bristol, indique qu’en moyenne une heure de streaming sur Netflix en 2020 est inférieure à 100gCO2e. Cela équivaut à conduire une voiture essence sur une distance de 400 mètres – soit un impact beaucoup plus faible que les projections que vous mentionnez.
Cette conclusion résulte d’un processus rigoureux mis en œuvre par des experts scientifiques indépendants sur l’ensemble du cycle de vie, et sur la base des données mesurées par Netflix. Ces résultats sont cohérents par rapport à ceux de nos concurrents. Carbon Trust publiera un livre blanc sur le sujet au printemps. Cependant, c’est un mode de consommation en croissance, il est donc important d’agir dès maintenant.
Netflix doit jouer son rôle de leader en termes de réduction des émissions de CO2
NPA : Si tel est le cas, est ce qu’il ne faut pas craindre le pire, compte tenu du rythme auquel le streaming progresse sur l’ensemble de la planète ?
M-LD : Nous pensons que Netflix doit jouer son rôle de leader et espérons que l’outil de mesure développé par les chercheurs de l’Université de Bristol servira de référence pour d’autres acteurs de l’industrie. C’est une étape importante, car c’est en développant une meilleure compréhension de l’empreinte environnementale du streaming que nos industries seront en mesure de la réduire efficacement.
La situation est également très différente selon les pays. Par exemple, en Irlande, nos fournisseurs de data centers (AWS, Equinix) et les FAI locaux (Sky, Vodafone, Virgin Media) sont alimentés à 100% par de l’énergie renouvelable via des fournisseurs comme Electric Ireland ou Iberdrola. Donc en pratique, le streaming sans impact carbone est disponible en Irlande car toute la chaîne de valeur a priorisé la fourniture d’énergie verte. La France est également bien placée, avec un mix énergétique qui émet 4 fois moins de CO2 qu’aux Etats-Unis par exemple.
Les premières évaluations effectuées par DIMPACT révèlent que seulement 5% de nos émissions carbone sont liées directement au streaming, loin derrière les émissions liées à la production de programmes. Nous devons donc agir sur l’impact du streaming, en collaboration avec les constructeurs de terminaux et les AFI, mais aussi repenser la manière de produire.
NPA : Parmi les différents métiers de Netflix (producteur, gestionnaire de droits, gestionnaire d’infrastructures, diffuseurs…), savez-vous comment sa facture énergétique se répartit ?
M-LD : La moitié (50%) de notre empreinte provient de la production physique de nos programmes, qu’elle soit gérée directement par Netflix ou via une société de production partenaire. Elle comprend également les programmes que nous diffusons sous licence Netflix. Le reste (45%) provient des activités de notre entreprise (telles que les bureaux que nous louons) et de nos achats de biens (comme nos dépenses en marketing). Nous dépendons également de fournisseurs d’hébergement comme Amazon Web Services et du réseau de serveurs Open Connect pour le streaming de notre service. Ceux-ci représentent 5 % de notre empreinte.
Télécharger les vidéos pour les regarder hors connexion réduit la consommation d’énergie des serveurs
NPA : Est-ce que vos engagements ne conduiront pas à remettre en cause des fonctionnalités de type « Downloads For You » ?
M-LD : Contrairement à ce que l’on pourrait penser, télécharger les vidéos en wifi pour les regarder par la suite en hors connexion permet d’alléger la bande passante et donc de réduire la consommation d’énergie des serveurs. Cela s’appuie sur les recommandations de l’Ademe notamment.
NPA : Le fait de ne pas intégrer dans ce périmètre l’impact des streams générés par vos consommateurs a été contesté. Prévoyez-vous une coordination avec les fabricants de devices et/ou les opérateurs pour aider à le réduire ?
M-LD : Nous prenons en compte nos émissions carbone depuis la création de nos programmes jusqu’à l’utilisateur. En revanche, les émissions liées à la transmission Internet et les appareils électroniques que nos abonnés utilisent pour regarder Netflix ne sont pas incluses dans ces estimations. Les fournisseurs d’accès à Internet et les constructeurs d’appareils contrôlent la conception et la fabrication de leurs équipements, assumant par conséquent les émissions qui y sont liées. De plus, constructeurs (Apple, Samsung, etc.) et FAI (Orange, etc.) ont également pris des engagements en faveur de la neutralisation de leur empreinte carbone.
Aujourd’hui, nous travaillons en collaboration avec les constructeurs, notamment sur l’amélioration de l’encodage pour offrir la meilleure expérience possible avec le moins de données, et les opérateurs avec la mise à disposition de notre réseau Open Connect qui permet d’amener les contenus au plus près de l’abonné, et donc réduire l’impact sur le réseau.