L'édito de Philippe Bailly

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Wearables, Réalité virtuelle, Smartcar, Intelligence Artificielle : les questions clé du CES 2017

A peine 96 heures à patienter et les médias, vœux et cotillons tout juste rangés, se mettront à l’heure du « plus grand salon mondial dédié à l’innovation » : le 4 janvier, le CES ouvrira à Las Vegas les portes de sa 50e édition. Son organisateur, le Consumer Technology Association célèbrera des chiffres de participation toujours plus impressionnants (3 870 exposants et 170 000 visiteurs venus de 150 pays en 2016) ; en France, les responsables de la French Tech ont d’ores et déjà annoncé que « la France y représentera la 3ème présence mondiale avec 275 entreprises et structures exposantes, après les Etats-Unis avec 1713 entreprises et la Chine 1307 entreprises (et qu’elle aura même) la deuxième délégation mondiale de l’Eureka Park », l’espace d’exposition plus particulièrement dévolu aux start-up.

CES

Tout n’est pourtant pas rose dans le ciel du monde numérique, et les nuages aperçus ces dernières semaines dans certains secteurs vedettes de ces dernières années, pousseront à être particulièrement attentifs aux annonces des groupes présents à Las Vegas, et de leurs dirigeants.

S’agissant des wearables, montres connectées surtout, 2016 s’est achevée en mode gris, voire gris foncé : avec 2,7 millions d’unités écoulées seulement au niveau mondial, l’institut IDC a fait état de ventes en chute de 51,6% au 3e trimestre 2016, par rapport à la même période de 2015. Et la météo ne s’est pas améliorée en fin d’année, avec le jet de l’éponge des numéros 4 et 5 mondiaux Motorola et Pebble. Le premier a indiqué avoir suspendu sine die sa production et, plus brutal encore, le second qui avait fait figure de précurseur à la fin de la précédente décennie, a annoncé la cessation totale de son activité et la reprise de ses actifs par Fitbit. Dans de telles conditions, les performances de l’Apple Watch en fin d’année seront observées avec une curiosité particulière : si elle a conservé son premier rang mondial, cette dernière a vu ses ventes chuter de 3,9 à 1,1 millions d’unités, d’après IDC, faisant par la même fondre sa part de marché de 30 points (de 70,2%à 41,3%). « Nos données montrent que l’Apple Watch se porte bien et devrait être un des cadeaux les plus populaires du moment, affirmait le 6 décembre le pdg d’Apple Tim Cook. Nous nous dirigeons vers le meilleur trimestre jamais connu par l’Apple Watch » ; La prochaine publication trimestrielle du groupe, le 24 janvier, permettra de trancher. Pas d’annonce à attendre d’Apple, en revanche, au CES, puisque le groupe n’y participe pas. Google y sera présent en revanche avec, peut-être, la possibilité d’y présenter les deux modèles de montre connectée intégrant le nouvel OS Android Wear 2.0 annoncés pour 2017. La communauté IoT cherchera à coup sûr à y débusquer les « killer app » qui pourraient y être embarquées.

Même morosité autour de la réalité virtuelle, malgré la rafale de lancements de l’année 2016 (HTC Vive, Oculus Rift, PlayStation VR, Google Daydream…). « Un premier Noël incertain pour la réalité virtuelle », titrait le 8 décembre Le Figaro ; « Non, 2016 n’a pas été l’année de la réalité virtuelle ! », renchérissait le site spécialisé Jeuxvideo.com. Mauvaise compréhension des bénéfices utilisateurs, catalogue de jeux compatibles trop limité, « effet mal de mer » lors d’une utilisation prolongée et surtout niveau des prix jugé trop élevé (de 399 € pour Sony jusqu’à 950 € pour l’HTC Vive)… Autant d’arguments avancés pour expliquer la révision drastique des prévisions de vente : de 2,6 millions à 750 000 en fin d’année pour la PlayStation VR, d’après l’institut Superdata et à peine un million en cumulant HTC Vive, Oculus Rift et Google Daydream… Commercialisé à moins de 100 €, le Samsung Gear VR semble le seul à avoir à peu près tiré son épingle du jeu avec près de 2,5 millions de ventes prévues sur l’ensemble de l’année. L’intervention à Las Vegas de son CEO of Consumer Business Group sera l’occasion pour Huawei d’en dire plus sur l’avancée du casque Huawei VR, attendu depuis avril 2016. Les allées du CES permettront aussi d’observer si certains acteurs ont trouvé les clés pour une exploitation « industrielle » de la VR, au-delà du jeu vidéo ou des utilisations évènementielles (trailers de nouveaux films ou séries, spots de publicité de marques de luxe…).

Etat des lieux plus balancé s’agissant de la voiture autonome, après l’interruption des tests conduits par Uber en Californie. Après avoir perdu l’autorisation de faire circuler ses 16 prototypes dans les rues de San Francisco, le leader mondial des VTC a annoncé qu’il poursuivrait son programme en Arizona, dont la réglementation est plus accommodante. L’information intervient quelques mois après qu’un accident mortel est intervenu dans l’Ohio, impliquant une voiture Tesla circulant en mode Autopilot, et peu après l’annonce d’un retard dans la livraison d’une version améliorée de ce dernier. A l’inverse, Volkswagen devrait profiter du salon de l’automobile de Détroit pour présenter un modèle intégrant un volant rétractable. En tout état de cause, le keynote speech que prononcera le jeudi 5 janvier Carlos Ghosn sera à suivre avec attention. En octobre dernier, il distinguait dans Le Figaro « la voiture autonome de la voiture sans chauffeur. Concernant la première, vous êtes à bord et vous décidez du moment où vous voulez conduire. (…) Ça, c’est pour 2020. (…) Concernant la voiture sans chauffeur, elle n’arrivera probablement pas avant 2025 ». Le patron de Renault et Nissan sera attendu sur la façon dont le secteur entend gérer les challenges technologiques et réglementaires auxquels il est confronté pour tenir ce calendrier.

A en croire l’institut IHS, le secteur de la smart home bénéficie d’un horizon sensiblement plus dégagé : d’après ce dernier, le nombre des objets vendus a atteint 80 millions en 2016 au niveau mondial (+64%), et il devrait connaître un nouveau bond de 60% en 2017, à 130 millions… avec quand même quelques défis majeurs pour atteindre la pleine maturité : la question des modèles économiques, notamment, de l’objet qu’on achète en paiement one shot au service rendu quotidiennement, pour lequel la disponibilité du consommateurs à être facturé reste à confirmer ; ou encore le sujet de l’interopérabilité entre les multiples OS et standards qui coexistent sur le marché, et à la clé un double impact sur le coût de production des objets et sur la simplicité à garantir au consommateur.

Les « contenus » s’annoncent plutôt en mineur, eux, pour ce CES 2017. Pas d’intervenant venu de cette industrie dans la liste des keynote speakers, par exemple, alors que les patrons de Netflix Reed Hastings et de NBC Universal Steven Burke, s’étaient succédé sur scène en 2016. Il est vrai que la fin de l’année s’est plutôt jouée sur le terrain de l’optimisation de la distribution (en France avec la restructuration des offres de Canal+ et ses accords avec Free et Orange, par exemple ; à l’international avec le passage d’Amazon Prime Video en division mondiale…), et sur la capacité, grâce à cette surface étendue, de financer des programmes toujours plus ambitieux. Pas de rupture, donc, mais plutôt la confirmation, qu’à la fin, content is king.

Au final, c’est autour d’un champ capable d’embrasser l’ensemble des dimensions précédemment énoncées que pourrait se focaliser l’attention lors de cette 50e édition. Pas forcément la plus spectaculaire, ni celle capable de fournir les meilleures images dans un reportage de JT : d’IBM (Watson) à Amazon (Alexa) en passant par Microsoft (Cortana) ou Google (Google Home), le CES sera l’occasion pour les géants mondiaux du numérique de mettre en valeur leurs dernières avancées en matière d’intelligence artificielle et de reconnaissance vocale. Par les voies nouvelles d’accès aux services comme aux contenus, ces dernières font le pari de mettre à la retraite les interfaces graphiques auxquelles nous sommes habitués. Elles pourraient surtout dessiner de nouveaux écosystèmes et, partant, s’affirmer comme de redoutables outils de suprématie dans l’univers numérique.

Cet enjeu dépasse de loin 2017.

D’ici là, je vous souhaite une excellente nouvelle année. Je serai au CES du 4 au 8 janvier, et serai ravi, le cas échéant, d’y échanger conseils sur les stands à visiter ou ressenti plus global. Vous pouvez me contacter via Linkedin ou Twitter. C’est aussi sur ces comptes que je partagerai mes impressions de visite.