L'édito de Philippe Bailly

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Royaume-Uni : la visibilité des diffuseurs historiques étendue à leurs services numériques

Bien que le Royaume Uni ne soit plus membre de l’Union européenne, la réforme audiovisuelle présentée ce mardi 28 mars rejoint pour une large part la dynamique suivie par les Etats-membres de cette dernière. Le texte s’inspire des dispositions de la directive SMA destinées à mettre plateformes globales et diffuseurs nationaux sur un pied plus égalitaire, en soumettant les premières au contrôle de l’Ofcom, en assouplissant le cadre auquel sont soumis les seconds, et en garantissant la mise en avant des services de médias d’intérêt général dans les interfaces utilisées par le public. Cette proéminence devrait bénéficier aux PSB (Public Service Broadcaster : la BBC, Channel 4, ITV, Channel 5, STV et S4C) mais aussi à leur équivalent coté radio.

Le gouvernement britannique a présenté le 28 mars dernier un projet de loi audiovisuel venant compléter le Online Safety Bill. Ce texte, inspiré de la directive SMA (directive services médias audiovisuels), va soumettre les plateformes de streaming à la régulation de l’Ofcom et assouplir le cadre juridique applicable aux groupes audiovisuels publics nationaux (BBC, ITV, Channel 4, Channel 5, STV et S4C) pour leur permettre de « mieux concurrencer » les acteurs internationaux du streaming (Netflix, Disney+, Amazon Prime, etc.).

Ce texte représente une nouvelle étape du plan de modernisation de la législation sur l’audiovisuel actuelle visant à adapter le Communications Act de 2003, présenté dans un livre blanc au printemps dernier.

Selon la secrétaire d’Etat à la Culture, Lucy Frazer, « ces dispositions ont vocation à uniformiser les règles entre acteurs traditionnels et numériques, de façon à garantir que les géants internationaux du streaming respectent les mêmes « normes élevées » que celles appliquées aux opérateurs publics ». Elles ont également pour but de renforcer la place de la télévision largement concurrencée par l’arrivée des plateformes de streaming.

Un cadre assoupli pour les diffuseurs nationaux

Etablir les conditions d’une concurrence équitable supposent notamment pour le gouvernement britannique d’assouplir le cadre auquel sont soumis les diffuseurs nationaux, dont il souligne qu’ils contribuent chaque année pour près de 1,2 milliard de livres (environ 1,36 Md€) au financement de la production, dont la quasi-totalité est dépensée au Royaume-Uni. Les règles relatives aux obligations de diffusion vont être simplifiées et assouplies afin d’être adaptées à l’évolution des usages, du linéaire vers le numérique.

« La loi réduira également les contraintes réglementaires qui pèsent sur les stations de radio commerciales, en assouplissant les exigences en matière de contenu et de format élaborées dans les années 1980, qui les obligent à s’engager à diffuser des genres musicaux particuliers ou à s’adresser à des groupes d’âge particuliers, expose le communiqué de présentation de la réforme. « La réduction de la bureaucratie qu’entraîneront ces changements pourrait permettre à l’industrie de la radio d’économiser jusqu’à un million de livres sterling par an ».

Une visibilité garantie sur les téléviseurs connectés et terminaux numériques

Parmi les mesures concernant les chaînes PSB, le projet de loi d’étendre les garanties d’exposition existantes pour les diffuseurs nationaux à leurs plateformes de streaming (BBC iPlayer, ITVX, All4, etc.), de les faire appliquer à l’ensemble des terminaux numériques (décodeurs, mais aussi smart TV, clés HDMI, box OTT…), et les faire valoir au-delà de la seule numérotation.

Selon les recommandations de l’Ofcom pour la proéminence des PSB’s publiées 2019, la plupart des services de streaming de l’audiovisuel étaient déjà disponibles à l’époque sur les différents terminaux (voir schéma ci-dessous).

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Mais la réforme prévoit au-delà qu’ils occupent une position privilégiée dans les interfaces par lesquelles le public accède au contenu.

Le cadre réglementaire existant, défini dans le Communications Act 2003 n’apporte pas cette garantie. Il n’intègre pas les services en ligne des radiodiffuseurs publics, qu’il s’agisse de services de programmes à la demande ou diffusés en direct, ni les services destinés à l’aide à la sélection de programmes (moteurs de recherche, outil de recommandation…), au-delà de la seule numérotation des chaînes sur l’EPG (guide électronique des programmes).

Comme en France, avec l’Arcom, il reviendra à l’Ofcom de désigner les terminaux et/ou services de programmes sur l’internet (IPS) qui seront couverts par les obligations de mise en évidence et de disponibilité. Si l’Ofcom le juge approprié, il pourra ajouter à la liste des services d’intérêt général « un service de programmes sur l’internet fourni par la BBC ou par un autre PSB » s’il remplit les conditions que le régulateur aura définies.

Les conditions d’éligibilité sont conçues pour garantir que « les services qui seront désignés (soient) en mesure de contribuer de manière significative à la mission de service public du fournisseur et que le contenu de service public sur l’IPS soit facilement découvrable et promu. »

S’agissant des modalités de mise en avant, le projet de loi suggère notamment la création d’une « vignette » sur l’écran d’accueil permettant d’accéder à une interface regroupant tous les programmes SIG du service public. L’Ofcom pourra également organiser le « placement en évidence » dans les sections de recherche et de recommandation. L’option d’un bouton commun sur la télécommande, si elle est envisagée par l’Ofcom, ne fait pas en revanche l’objet d’une mention explicite dans le projet de loi.

Des mesures de mise en avant de la radio sont également prévues afin de favoriser l’écoute de ce média.

La mise en avant des stations de radio

Le projet de loi prévoit d’obliger les enceintes connectées, notamment celles de Google et Amazon à garantir leur accès à toutes les stations britanniques autorisées et, au-delà, qu’elles ne soient pas facturées par ces plateformes pour la fourniture de leurs services en direct aux auditeurs, que les plateformes ne puissent pas superposer à leur signal du contenu (tel que de la publicité), que les stations de radio britanniques ne soient pas obligées de payer pour la diffusion de leurs services et que les stations soient fournies de manière fiable en réponse aux commandes vocales des auditeurs.

Ce projet permettra d’étendre le régime d’autorisation britannique aux stations de radio basées à l’étranger mais visant le public britannique.

Les enceintes connectées sont, en revanche, le seul terminal concerné par les obligations de mise en avant.

Les plateformes de streaming soumises aux règles de l’Ofcom

Si le gouvernement britannique souligne la contribution croissante des services de vidéo à la demande (appelés “On-demand Programme Services” dans la législation, “ODPS”), tels que Netflix et Amazon Prime Video, à l’économie du pays, il juge souhaitable de les soumettre à des règles similaires à celles applicables à la télévision linéaire, en matière de protection contre des contenus préjudiciables notamment.

Il prévoit que « les téléspectateurs pourront saisir le régulateur, l’Ofcom, de leurs programmes », compétence dont ne bénéficie pas l’Arcom en France. Ce texte est donc novateur dans sa portée puisqu’il responsabilise les plateformes VoD en leur donnant des obligations similaires à celles des chaînes conventionnées par le régulateur.

Le régulateur devra notamment évaluer leurs mesures de protection du public (les contenus nuisibles ou offensants, l’exactitude des informations, l’équité et le respect de la vie privée) et pourra prendre des mesures si les plateformes de streaming violent leurs obligations qui pourront aller jusqu’à une amende de 250 000 £ et, dans les cas « les plus graves et répétés », restreindre l’accessibilité d’un service au Royaume-Uni.

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