Et si Julien Courbet, à la faveur de ces premiers jours de confinement, avait amorcé une petite révolution culturelle dans le monde de la télévision, ou plus exactement dans le monde de la radio à la télé ?
Pour ses (bientôt) 20 ans l’émission de RTL, Ça peut vous arriver, s’est offert une déclinaison sur M6 qui constitue une véritable nouveauté audiovisuelle.
Les précédents exemples de transfert en images (Grandes Gueules et autres Grosses Têtes) s’étaient jusque-là contentés de filmer le programme radio en embellissant légèrement le studio. Avec pour RMC, il faut le reconnaitre, un sens certain de l’anticipation des tendances, dès le milieu des années 2000.
Le concept de Ça peut vous arriver, sur RTL et M6, permet de franchir un pas supplémentaire : le programme radiophonique, déjà bien rodé, devient une véritable émission de télé. On conserve les fondamentaux de l’émission : proximité, solution et humour… avec l’image en plus.
Une scène pour illustrer le propos : lorsqu’un entrepreneur accepte de rembourser un client mécontent, Julien, pour accélérer le règlement du litige, se met à genoux sur le plateau, pour prier, poliment, l’indélicat de s’exécuter rapidement par virement…
On sent que l’animateur est très à l’aise dans l’exercice.
Il s’amuse sur son plateau (comme au bon vieux temps de Sans aucun doute) passant de son pupitre à la petite scène située devant un grand écran.
Autre détail qui permet une mise en image efficace et pertinente : les « duplex » sur le terrain. Un garagiste ne répond pas aux appels des enquêteurs en régie… qu’à cela ne tienne, une journaliste se rend sur le terrain avec une caméra pour essayer de dénicher l’indélicat qui se cache.
Il demande même parfois aux auditeur/téléspectateurs de l’aider à localiser une entreprise qui ne répond pas au téléphone (comme par exemple ce mardi 2 novembre dans les Deux Sèvres).
La gestion de la pub a elle aussi été habilement adaptée entre les deux diffuseurs : durant les écrans diffusés sur RTL, plus nombreux que sur M6 (plafonds réglementaires applicables en TV obligent), les téléspectateurs de la chaine, et eux seuls, peuvent poser des questions et obtenir, en direct à l’antenne, des réponses de la part des experts.
L’action de #CPVA se joue comme une valse à trois temps, en trois lieux différents : l’auditeur expose son problème à Julien en plateau dans les locaux d’M6. Ensuite l’équipe d’enquêteurs basée en studio à RTL (de l’autre côté de l’avenue Charles de Gaulle à Neuilly) passe des coups de fils et tente une première résolution. Et si le dossier est bloqué, on intervient parfois sur le terrain…
L’accueil de cette nouvelle formule sur les réseaux sociaux a été logiquement assez positif, si on fait exception de quelques grincheux, nostalgiques de la rediffusion intégrale de Desperate Housewives, série quelque peu datée, mais effectivement addictive dont #CPVA a repris la case.
Reste à regarder les performances d’audience de #CPVA, durant ces premiers jours : après un succès de curiosité le premier jour, les audiences de la première semaine se sont un peu émoussées, mais restent légèrement au-dessus de la case en individus 4+.
Sur les cibles publicitaires (les fameuses FRDA-50), on est nettement en-dessous des performances de la rediffusion du feuilleton Desperate Housewives (7,2%) (avec 6,1% lundi, 3,4% mardi, 2,4% mercredi, 5% jeudi…).
Trois remarques cependant :
-La case n’est pas publicitairement stratégique et comme l’investissement supplémentaire est marginal (la magie des synergies du groupe M6/RTL), la chaîne a tout intérêt à persévérer, pour installer le rendez-vous. Le programme devrait logiquement progresser au fil des semaines.
-La chaine a fait peu de promotion du programme, sans doute en attendant qu’elle se rôde.
-Enfin, on pourra peut-être observer un bénéfice indirect pour RTL : dans les enquêtes radio de Médiamétrie, qui s’appuient beaucoup sur la mémorisation des marques, les téléspectateurs pourraient, sans doute à la marge, déclaré avoir « écouté » l’émission sur RTL, alors qu’ils l’auraient seulement « entendu » sur M6…
Thierry Moreau
Journaliste et producteur, ancien directeur de la rédaction de Tele7Jours