Le projet législatif dresse une liste noire des pratiques déloyales des grandes plateformes et permet à la Commission de mener des enquêtes de marché et d’appliquer des sanctions.
La commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs a adopté ce matin par 42 voix pour, 2 contre et 1 abstention sa position sur la proposition de législation sur les marchés numériques (Digital Markets Act ou DMA en anglais), qui fixera des règles claires sur ce que les entreprises qui se comportent comme des ‘‘contrôleurs d’accès’’ pourront et ne pourront pas faire dans l’UE.
Le rapporteur Andreas Schwab (PPE, DE) a déclaré: ‘‘L’UE soutient la concurrence fondée sur le mérite, mais nous ne voulons pas que les grandes entreprises deviennent de plus en plus grandes sans s’améliorer et aux dépens des consommateurs et de l’économie européenne dans son ensemble. Aujourd’hui, il est clair que les règles de concurrence seules ne peuvent pas traiter tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés avec les géants du numérique et leur capacité à fixer les règles leur permettant de se livrer à des pratiques déloyales. La législation sur les marchés numériques exclura ces pratiques et enverra un message fort à tous les consommateurs et à toutes les entreprises du marché unique. Les règles sont fixées par les co-législateurs, pas par les entreprises privées!’’
La présidente de la commission parlementaire, Anna Cavazzini (Verts/ALE, DE), a ajouté: ‘‘A l’heure actuelle, quelques grandes plateformes et acteurs du numérique empêchent les modèles commerciaux alternatifs, notamment ceux des PME, d’émerger. Les utilisateurs n’ont souvent pas de liberté de choix entre différents services. Avec la législation sur les marchés numériques, l’UE met fin à la dominance absolue du marché dans l’UE par les grandes plateformes en ligne.’’
Identifier les contrôleurs d’accès
Le règlement proposé s’appliquera aux grandes entreprises offrant des ‘‘services de plateforme essentiels’’, les plus enclines à se livrer à ces pratiques déloyales, comme les services d’intermédiation en ligne, les réseaux sociaux, les moteurs de recherche, les systèmes d’exploitation, les services de publicité en ligne, l’informatique en nuage et les services de partage de vidéos, qui remplissent certains critères leur permettant d’être qualifiées de ‘‘contrôleurs d’accès’’. Les députés ont inclus dans le champ d’application de la législation les navigateurs web, les assistants virtuels et les télévisions connectées.
Les députés ont également modifié la proposition de la Commission visant à relever les seuils quantitatifs faisant entrer une entreprise dans le champ d’application de la DMA à huit milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel dans l’Espace économique européen (EEE) et à 80 milliards d’euros au niveau de la capitalisation boursière.
Pour être qualifiée de contrôleur d’accès, les entreprises devront également fournir un service de plateforme essentiel dans au moins trois pays de l’UE et disposer d’au moins 45 millions d’utilisateurs finaux par mois ainsi que de plus de 10 000 entreprises utilisatrices (les députés ont créé une annexe avec des précisions sur la manière de mesurer ces indicateurs). Ces seuils n’empêcheront pas la Commission de qualifier d’autres entreprises de ‘‘contrôleurs d’accès’’ si elles remplissent certaines conditions.
De nouvelles dispositions sur les publicités ciblées
Les contrôleurs d’accès devront s’abstenir d’imposer des conditions inéquitables aux entreprises et aux consommateurs. Les députés ont inclus des exigences supplémentaires sur l’utilisation des données pour la publicité ciblée ou micro-ciblée et sur l’interopérabilité des services, par exemple pour les services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation et les services de réseaux sociaux.
Le texte affirme qu’un contrôleur d’accès devra, ‘‘pour ses propres fins commerciales et le placement de publicités de tiers dans ses propres services, s’abstenir de combiner des données à caractère personnel dans le but de diffuser des publicités ciblées ou micro-ciblées’’, sauf en cas de consentement éclairé explicite et renouvelé, conforme au règlement général sur la protection des données. Les données personnelles des mineurs ne devront pas être traitées à des fins commerciales telles que le marketing direct, le profilage et la publicité comportementale ciblée, soulignent les députés.
Stopper temporairement les ‘‘acquisitions tueuses’’
Les députés ont convenu de donner la possibilité à la Commission d’imposer des ‘‘mesures correctives structurelles ou comportementales’’ lorsque les contrôleurs d’accès se sont engagés dans un non-respect systématique. Le texte approuvé prévoit également la possibilité pour la Commission de restreindre les acquisitions des contrôleurs d’accès dans des domaines relevant de la DMA, afin de remédier ou de prévenir d’autres atteintes au marché intérieur. Les contrôleurs d’accès seront également obligés d’informer la Commission de tout projet de concentration de marché, ont ajouté les députés.
Coopération européenne, lanceurs d’alerte et amendes
Les députés proposent de créer un groupe européen de haut niveau de régulateurs numériques, afin de faciliter la coopération entre la Commission et les États membres. Ils clarifient le rôle des autorités nationales de concurrence tout en laissant la mise en œuvre de la DMA dans les mains de la Commission.
La commission du marché intérieur souligne par ailleurs que la DMA devrait garantir des ‘‘dispositions adéquates’’ pour permettre aux lanceurs d’alerte d’alerter les autorités compétentes concernant des infractions réelles ou potentielles au présent règlement et pour les protéger contre les représailles.
Si un contrôleur d’accès ne respecte pas les règles, la Commission pourra imposer des amendes représentant pas moins de 4% et n’excédant pas 20% du chiffre d’affaires mondial durant l’exercice précédent’’, précisent les députés.
Prochaines étapes
Le texte devrait être mis aux voix en plénière en décembre. Il deviendra alors le mandat de négociation du PE avec les gouvernements de l’UE, pour des négociations qui devraient débuter sous la présidence française du Conseil dans le courant du premier semestre de 2022. L’autre proposition visant à réguler les plateformes en ligne (législation sur les services numériques), qui traite notamment des contenus illégaux et des algorithmes fera l’objet d’un vote en commission prochainement.
Le communiqué est à retrouver ici.