L'édito de Philippe Bailly

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Journal Officiel de l’Union européenne : Conclusions du Conseil sur le renforcement des échanges interculturels par la mobilité des artistes et des professionnels de la culture et de la création, et par le multilinguisme à l’ère numérique 2022/C 160/07

LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

CONSIDÉRANT CE QUI SUIT:

1.

La diversité culturelle et linguistique est constitutive de l’Union européenne et de ses valeurs fondamentales. Elle contribue à l’essor de la créativité, à la liberté créative, aux échanges culturels ainsi qu’à la variété et à la qualité de l’offre culturelle et artistique pour tous les Européens. Elle favorise la compréhension mutuelle et le respect des cultures et des langues, et elle constitue un héritage commun, une richesse, une force et une caractéristique distinctive des relations en Europe et avec le reste du monde;

2.

Il est essentiel d’encourager la mobilité et les échanges entre les artistes, les organisations culturelles et les professionnels de la culture et de la création d’Europe, tant au niveau national qu’au niveau européen, comme le prévoit le programme «Europe créative», en particulier au lendemain de la crise liée à la pandémie de COVID-19. Il est également primordial de favoriser l’accès à la culture et la circulation des œuvres culturelles en Europe, en enrichissant ainsi nos vies de manière individuelle et collective;

3.

La mobilité des artistes et des professionnels de la culture et de la création devrait être facilitée non seulement parmi les organisations culturelles européennes, mais aussi parmi les artistes et les professionnels, comme dans les projets pilotes mis en place dans le cadre du programme i-Portunus depuis 2018. Une telle mobilité leur permet de coopérer et de co-créer, de nouer des contacts, d’acquérir de nouvelles compétences, aptitudes et techniques, de chercher l’inspiration, de toucher de nouveaux publics et de nouveaux marchés et d’accéder à de nouvelles possibilités de carrière.

4.

La mobilité des artistes et des professionnels de la culture et de la création peut tirer parti des possibilités que présentent les programmes de résidence ainsi que des réseaux européens d’institutions ou de festivals. Elle peut notamment être facilitée par la fourniture d’informations complètes, précises et en plusieurs langues sur les programmes de mobilité existants, l’aide disponible et les programmes qui tiennent compte du contexte général de la mobilité;

5.

Les programmes de mobilité européens contribuent à établir et à favoriser les partenariats, qui sont une condition préalable à la présentation d’une demande de financement de projets de coopération dans le cadre du programme «Europe créative»;

6.

Une politique ambitieuse de diversité culturelle et linguistique devrait pleinement intégrer les questions liées à la durabilité et tirer parti de l’innovation technologique, y compris dans le domaine numérique.

7.

Le multilinguisme (1) favorise la diversité culturelle et la créativité, y compris dans le domaine de l’audiovisuel, des médias et des contenus numériques, et permet un accès plus large à des approches culturelles, œuvres, savoirs et idées différents. Les compétences linguistiques (plurilinguisme (2)) constituent un atout important dans le contexte de la mondialisation et contribuent à la mobilité professionnelle et aux échanges dans les secteurs de la culture et de la création;

8.

Les traducteurs et interprètes professionnels et les professionnels de l’enseignement des langues jouent un rôle important dans la circulation des œuvres d’art, des savoirs et des idées, en particulier dans les langues européennes moins répandues, et favorisent ainsi la diversité culturelle européenne au quotidien;

9.

Les technologies du langage et du web sémantique peuvent favoriser le multilinguisme et la communication interlinguistique; contribuer à l’apprentissage, à l’enseignement et à la connaissance des langues; et constituer des outils utiles pour les traducteurs professionnels, tout en tenant compte du fait que de tels outils ne peuvent pas entièrement se substituer à la traduction humaine et qu’il convient donc de surveiller et d’adapter minutieusement et en permanence leurs résultats pour veiller à leur exactitude;

I.   MOBILITÉ DES ARTISTES ET DES PROFESSIONNELS DES SECTEURS DE LA CULTURE ET DE LA CRÉATION

INVITE LA COMMISSION À:

10.

veiller à ce que les artistes et les professionnels de la culture et de la création bénéficient d’un accès élargi aux subventions à la mobilité offertes par l’UE dans le cadre du programme «Europe créative» grâce à un système stable établi au niveau européen aux fins de la mobilité culturelle individuelle et collective, tant au sein de l’Union européenne qu’en dehors de celle-ci, en vue de poursuivre la dynamique créée par les projets pilotes i-Portunus;

11.

étudier les moyens de faciliter la création d’un portail d’information accessible, interactif et multilingue, en s’appuyant le plus possible sur les initiatives existantes et en s’inspirant des portails existants tels qu’EURAXESS (3), CulturEU (4) et d’autres, qui fournirait des informations complètes et actualisées sur les possibilités de mobilité et les subventions disponibles qui sont offertes par les États membres et au niveau européen aux personnes, groupes de personnes et organisations culturelles, lorsque cela est possible, ainsi qu’un soutien à la mise en réseau des organisations, des lieux et des personnes souhaitant bénéficier de la mobilité;

12.

contribuer à soutenir et mettre en réseau les services d’information sur la mobilité à destination des artistes et des professionnels de la culture et de la création;

13.

faire en sorte que les programmes de mobilité européens tiennent compte de l’égalité de genre et des besoins spécifiques des artistes émergents, des artistes issus de groupes défavorisés et des artistes moins favorisés, qui bénéficient généralement moins des programmes de mobilité existants, et à leur apporter un soutien adapté;

14.

promouvoir et favoriser activement la diversité linguistique dans les programmes de mobilité destinés aux étudiants en art, aux artistes et aux professionnels de la culture et de la création, tant pour la mobilité physique que la mobilité virtuelle, en s’appuyant, le cas échéant, sur les modèles existants, tels que la plateforme de soutien linguistique en ligne (5) conçue pour le programme Erasmus+ et le corps européen de solidarité;

INVITE LES ÉTATS MEMBRES À:

15.

mettre au point ou poursuivre les programmes de mobilité, parallèlement aux initiatives et aux programmes de l’UE, pour faciliter autant que possible la mobilité et les échanges entre les artistes et les professionnels de la culture et de la création européens;

16.

promouvoir la coopération entre les services chargés de la culture et les autres services chargés des questions liées à la mobilité, par exemple la délivrance de visas, afin d’étudier les solutions possibles pour prendre en considération les particularités de la mobilité des artistes et des professionnels de la culture et de la création;

17.

encourager les travaux visant à faciliter la mobilité transfrontière en réduisant la charge administrative en ce qui concerne, par exemple, la sécurité sociale, les assurances, le logement, la douane ou la fiscalité, tout en tenant mieux compte des spécificités des professions de la culture et de la création et en s’appuyant, le cas échéant, sur les conclusions à venir du groupe MOC (6) sur le statut et les conditions de travail des artistes et des professionnels de la culture et de la création;

18.

promouvoir la fourniture, le soutien et le renforcement des services d’information sur la mobilité à destination des artistes et des professionnels de la culture et de la création, afin d’aider ceux-ci à accomplir les formalités relatives à la mobilité et, en particulier, de leur fournir des informations sur le cadre réglementaire applicable, en assurant la liaison avec les autorités compétentes;

INVITE LES ÉTATS MEMBRES ET LA COMMISSION, DANS LEURS DOMAINES DE COMPÉTENCE RESPECTIFS ET CONFORMÉMENT AU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ À:

19.

faciliter la mobilité des artistes et des professionnels de la culture et de la création, notamment en répondant à leurs besoins spécifiques en matière de déplacement, tels que le transport d’instruments de musique ou de matériel artistique, tout en tenant compte de la diversité et de l’inclusivité;

20.

promouvoir les programmes de mobilité qui, indépendamment de leur niveau de gouvernance, prennent en compte l’ensemble des frais de voyage et intègrent de manière adéquate les questions écologiques, tout en prenant en considération la diversité et les caractéristiques géographiques de l’Union, et en particulier à encourager:

la mobilité hybride, en tirant parti du potentiel que présentent les échanges virtuels et en tenant dûment compte de la diversité linguistique des participants et de la valeur intrinsèque de la mobilité physique;

l’utilisation de moyens de transport moins polluants, sans exclure les cas où le transport aérien constitue la seule solution ou une nécessité, comme le cas des régions ultrapériphériques (7), des pays et territoires d’outre-mer (8), des îles et des régions insulaires;

21.

renforcer l’utilisation d’outils permettant de soutenir l’apprentissage tout au long de la vie (9) des professionnels de la culture et de la création, en particulier en renforçant les synergies avec et entre les programmes Erasmus+ et «Europe créative», afin de mieux prendre en compte les spécificités des secteurs de la culture et de la création;

II.   LE MULTILINGUISME À L’ÈRE NUMÉRIQUE, EN RELATION AVEC LES ENJEUX DE COHÉSION SOCIALE ET DE CITOYENNETÉ EUROPÉENNE

INVITE LA COMMISSION À:

22.

renforcer l’intégration du multilinguisme dans les programmes de l’Union;

23.

promouvoir une approche stratégique à l’échelle de l’UE pour le multilinguisme dans l’environnement numérique;

24.

continuer à tirer parti des possibilités offertes par les technologies du langage pour assurer une traduction de qualité plus large de ses sites web et d’autres outils de communication dans toutes les langues officielles de l’UE (10);

25.

proposer un espace de l’information multilingue sur les technologies du langage européennes et les soutiens et ressources y afférents, y compris les programmes européens pour le plurilinguisme et la traduction, en collaboration avec des organismes tels que la Fédération européenne des institutions linguistiques nationales (FEILIN);

26.

promouvoir une gouvernance et une protection des données responsable et éthique dès la conception dans le cadre des efforts visant à renforcer les langues grâce à la technologie;

27.

approfondir sa coopération avec les organisations nationales et internationales actives dans les domaines de l’apprentissage des langues, de la technologie numérique et de la diversité culturelle et linguistique, […] en particulier avec le Conseil de l’Europe et son Centre européen pour les langues vivantes, ainsi qu’avec l’UNESCO;

INVITE LES ÉTATS MEMBRES ET LA COMMISSION, DANS LEURS DOMAINES DE COMPÉTENCE RESPECTIFS ET CONFORMÉMENT AU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ, À:

28.

promouvoir la diversité culturelle et linguistique et la circulation des œuvres culturelles grâce à la traduction de tous les médias, y compris, le cas échéant, en tirant parti des toutes dernières technologies numériques, en:

a)

faisant la promotion, dans l’enseignement, de la traduction en tant que vocation, en commençant à l’école avec la traduction comme pratique permettant d’améliorer les compétences rédactionnelles et linguistiques;

b)

encourageant une formation initiale de qualité en traduction pour les secteurs de la culture et de la création, ainsi qu’une formation tout au long de la vie pour les traducteurs professionnels, en prenant en considération l’utilisation croissante des technologies numériques;

c)

renforçant l’attrait de la profession de traducteur grâce à une visibilité et une reconnaissance accrues;

d)

favorisant de meilleures conditions de travail, une rémunération équitable et des pratiques contractuelles équitables pour les traducteurs, en particulier dans les secteurs de la culture et de la création, indépendamment des combinaisons linguistiques et en tenant dûment compte de l’autonomie des partenaires sociaux;

e)

renforçant le soutien public existant, notamment en favorisant le réseautage entre professionnels, en encourageant la collaboration entre les organisations intéressées qui octroient des subventions pour la traduction et en affectant des fonds pour la traduction à partir et vers des langues étrangères aux niveaux national et européen;

f)

poursuivant les échanges sur le multilinguisme et la traduction de tous les médias à l’ère numérique dans les enceintes appropriées, couvrant tous les secteurs de la culture, de la création et du savoir;

29.

promouvoir le plurilinguisme dans la formation tout au long de la vie (11), notamment par des campagnes de sensibilisation, telles que la Journée européenne des langues, et le développement et l’amélioration des outils numériques, et notamment:

a)

offrir davantage de possibilités aux enfants et aux jeunes, y compris à ceux qui ont moins d’opportunités, de connaître d’autres langues et cultures, selon le cas et en complément de l’apprentissage des langues officielles des États membres;

b)

développer les compétences linguistiques des étudiants des filières culturelles, des artistes et des professionnels des secteurs de la culture et de la création;

c)

faciliter, pour les migrants, et en particulier les jeunes migrants, l’apprentissage des langues officielles de leur pays d’accueil, tout en valorisant la diversité linguistique;

30.

soutenir, selon les besoins, la recherche et le développement des technologies du langage pour les citoyens et les entreprises européens afin de favoriser les échanges interculturels et d’améliorer les capacités d’analyse, en s’appuyant sur les ressources et plateformes existantes, et notamment:

a)

encourager la création de l’espace européen des données linguistiques, en tant que plateforme d’échange européenne facilitant, pour les entrepreneurs, les investisseurs, les chercheurs et les autorités publiques, la création, la collecte, la (ré)utilisation et le partage des ressources, des outils et des modèles linguistiques, dans le plein respect des valeurs de l’Union en matière de respect de la vie privée, de transparence et de confiance;

b)

soutenir la mise en place de bases de données et de ressources terminologiques multilingues et une utilisation plus large des plateformes existantes, telles qu’IATE, ainsi que des infrastructures européennes pour les langues et le multilinguisme, telles que l’ERIC CLARIN, en vue d’élargir la collecte et le nettoyage des données numériques sur les langues, tant écrites qu’orales, ainsi que leur accès;

c)

encourager le développement, l’utilisation et le suivi, selon le cas, des systèmes de traduction automatique, y compris le service eTranslation pour toutes les langues officielles de l’UE, et d’autres outils linguistiques au niveau européen, en recherchant des synergies avec le réseau de coordination des ressources linguistiques européennes (ELRC), le projet ELG (European Language Grid) et le futur espace européen des données linguistiques;

d)

favoriser la convergence des programmes de recherche et d’innovation et le recensement des domaines d’application, et mieux connecter la recherche aux besoins des entreprises et des citoyens dans le domaine des technologies du langage pour la traduction et le traitement multilingue et analytique;

e)

sensibiliser les entreprises aux avantages de l’utilisation des technologies du langage pour communiquer dans plusieurs langues officielles de l’UE;

f)

encourager une plus grande participation des traducteurs professionnels au développement des technologies de traduction numériques;

31.

promouvoir l’accès multilingue au contenu européen numérisé grâce aux nouvelles technologies en enrichissant les métadonnées et en fournissant des expériences multilingues pour ce qui est du contenu éditorial et des interfaces utilisateurs; à cet égard, ils sont également invités à s’appuyer sur les recherches et les travaux réalisés par les plateformes numériques telles qu’Europeana;

32.

échanger leurs bonnes pratiques et faire le point sur la mise en œuvre des présentes conclusions d’ici à 2025.

(1)  Défini comme la présence ou la coexistence de plusieurs langues au sein d’une société ou d’un territoire donné, ou sur un support donné.

(2)  Défini comme la capacité d’une personne à utiliser plusieurs langues.

(3)  https://euraxess.ec.europa.eu/

(4)  https://ec.europa.eu/culture/funding/cultureu-funding-guide

(5)  https://erasmus-plus.ec.europa.eu/resources-and-tools/online-linguistic-support

(6)  Méthode ouverte de coordination. Les groupes MOC sont établis dans le cadre du programme de travail 2019-2022 en faveur de la culture (JO C 460 du 21.12.2018, p. 12).

(7)  Telles qu’elles sont énumérées à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(8)  Telles qu’ils sont visés à l’article 198 et énumérés à l’annexe II du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(9)  Tel qu’il est défini à l’article 2, point 1, du règlement (UE) 2021/817 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2021, établissant Erasmus+, le programme de l’Union pour l’éducation et la formation, la jeunesse et le sport, et abrogeant le règlement (UE) no 1288/2013 (JO L 189 du 28.5.2021, p. 1).

(10)  Définies dans le règlement du Conseil n° 1 portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 17 du 6.10.1958, p. 385), et modifié.

(11)  Conformément à la recommandation du Conseil du 22 mai 2019 relative à une approche globale de l’enseignement et de l’apprentissage des langues (JO C 189 du 5.6.2019, p. 15).

Les conclusions sont à retrouver ici.

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