La commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a publié le compte rendu de l’examen de la proposition de loi visant à encourager l’usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d’accéder à internet (n° 4646) (M. Bruno Studer, rapporteur) du 12 janvier 2022.
Extrait :
M. le président Bruno Studer, rapporteur. Le titre de la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter me semble explicite. Elle s’inscrit dans une réflexion plus large, menée au sein de notre commission depuis 2017, sur les rapports du jeune public aux usages permis par le développement du numérique. Elle poursuit les mêmes objectifs de protection et de responsabilisation ayant prévalu lors de l’examen, il y a deux ans, de la proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image des enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.
Elle repose tout d’abord sur le constat que de plus en plus d’enfants accèdent de plus en plus tôt à internet, puisque l’âge du premier smartphone est d’environ dix ans, et que la rencontre avec certains contenus réservés aux adultes a lieu, d’après plusieurs études qui nous sont parvenues, vers l’âge de onze ans. J’ai donc entamé, dans la continuité de l’impulsion donnée par le Président de la République il y a deux ans, un travail de longue haleine sur le contrôle parental et les moyens d’en développer l’usage. Initialement, j’en envisageais l’activation par défaut. Mais de nombreux obstacles – notamment, mais pas uniquement, de nature juridique – s’y opposent.
Le texte prévoit donc d’interdire à tout fabricant d’un objet permettant de se connecter à internet et d’accéder à des contenus ou à des services susceptibles de porter préjudice à nos enfants de commercialiser de tels objets en l’absence d’un outil de contrôle parental pré‑installé, dont l’activation doit être systématiquement proposée lors du parcours utilisateur, qui rassemble les démarches que l’on effectue lors de la première utilisation de l’appareil. Nul ne pourra échapper à un message lui demandant s’il souhaite activer le contrôle parental.
Chacun doit prendre conscience de la situation : de même qu’on ne pose pas un magazine pornographique sur la table basse de son salon, on ne donne pas un téléphone portable dépourvu de contrôle parental à un enfant de six ou sept ans. Un enfant qui mène innocemment des recherches sur internet peut tomber sur des contenus qui n’ont rien d’innocent. Les exemples sont nombreux de rencontres, souvent accidentelles, avec des contenus dont le caractère violent et pornographique peut par lui-même poser des problèmes et en provoquer d’autres. Cela a été largement documenté au cours des dernières années.
Cette première disposition, qui figure à l’article 1er, est un pari, non pas technologique, mais humain. L’esprit de la proposition de loi vise à faire du contrôle parental un outil du dialogue familial. Il ne faut pas être naïf sur les compétences technologiques de nos enfants, ni sur la précocité de leur exposition à certaines images. Il reste qu’il nous revient de les protéger. Il faut se donner les moyens de rendre la rencontre accidentelle avec de telles images toujours plus accidentelle, et assumer qu’un outil de contrôle parental se transforme en outil de dialogue familial. Si j’en avais eu la possibilité, j’aurais intitulé la proposition de loi « Du contrôle parental au dialogue familial ».
Il faut amener les gens à prendre conscience de ce qui se passe sur internet et à ouvrir, au sein des familles, un dialogue sur ces sujets. Assortir l’acquisition et la mise en route d’un appareil tel qu’un smartphone, une tablette, un ordinateur ou un téléviseur connecté, d’une mise en garde incitant l’utilisateur à faire attention à ce qu’il fait et à le faire en responsabilité, est en soi un acte de prévention. De même, certains contenus sont déconseillés à certains âges, mais leur accès est laissé à la décision des parents. Cette proposition de loi est donc éminemment un texte de prévention et répond, en cela, aux préoccupations des associations de protection de l’enfance.
On trouve sur internet le pire et le meilleur. Il faut toujours se donner les moyens d’utiliser le meilleur et d’éviter le pire. S’agissant de l’accès aux contenus et aux services proposés sur internet, nos marges de manœuvre, au sein du droit européen, sont limitées. Nous sommes notamment tenus de respecter la liberté de commerce et d’industrie. C’est pourquoi les dispositions que j’ai l’honneur de vous présenter, notamment celles de l’article 1er, ont été notifiées à la Commission européenne qui, j’espère, s’agissant des contenus dont nous voulons protéger nos enfants, donnera son accord.
Ces mesures sont complétées par celles de l’article 3, relatif aux fournisseurs d’accès à internet (FAI), que la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique oblige d’ores et déjà à informer leurs abonnés de l’existence de dispositifs de contrôle parental. Le présent texte précise que cette obligation n’entraîne aucun surcoût. Les deux articles prévoient que le pouvoir réglementaire, par le biais de décrets, fixera les fonctionnalités minimales de ce que l’on appelle communément le « contrôle parental ». On pourrait évoquer un « outil de protection de l’enfance », mais ce n’est pas l’expression qui s’est imposée dans le langage courant. L’article 2 attribue à l’Agence nationale des fréquences (ANFR) le contrôle du respect de l’obligation introduite à l’article 1er.
La présente proposition de loi est courte et resserrée. Elle complète, comme une brique supplémentaire, les différents dispositifs adoptés par le Parlement et ceux impulsés par le Gouvernement. Citons notamment la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, sur le fondement de laquelle l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) peut mettre en demeure les sites pornographiques de se mettre en conformité avec la loi, en soumettant l’accès à leurs contenus à davantage qu’un simple avertissement. Parmi les mesures adoptées par le Gouvernement, la plus notable est l’ouverture du site jeprotegemonenfant.gouv.fr, sous l’impulsion forte d’Adrien Taquet et de Cédric O, que je remercie de leur travail.
Il ne s’agit en aucun cas d’un pari technologique. La technologie existe d’ores et déjà. Il faut simplement la rendre plus accessible. C’est d’autant plus important qu’une minorité d’enfants seulement est protégée aujourd’hui par un système de contrôle parental. Aucun parent ne doit être exclu de l’usage de cet outil de protection faute de disposer des moyens et des connaissances techniques nécessaires pour l’installer, le paramétrer et le faire évoluer. Nous faisons ainsi savoir aux fabricants qui vendent leurs téléphones en France, en Europe et ailleurs dans le monde que la protection des enfants contre l’exposition à des contenus inappropriés susceptibles de porter atteinte à leur intégrité physique ou psychique n’est pas un problème franco-français. Cela dépasse nos frontières et c’est l’honneur de l’Assemblée nationale de légiférer sur ce point.
Je remercie les administrateurs de la commission, avec lesquels je travaille depuis cinq ans sur ces sujets. Je remercie tous les groupes, qui m’ont d’ores et déjà accordé leur intérêt et dont j’espère le soutien.
Certains amendements devront être retravaillés d’ici à l’examen du texte en séance publique. Je propose que nous consolidions juridiquement le texte dès aujourd’hui, pour disposer d’une base nous permettant d’aller plus loin en séance publique. D’autres ne relèvent pas de la loi, d’autres encore auraient pour effet de retarder l’entrée en vigueur du texte : j’en suggérerai le retrait. En tout état de cause, vous avez appelé fort justement mon attention sur plusieurs points. Je suis persuadé que nous parviendrons à avancer ensemble.
L’intégralité du compte rendu est à retrouver ici.