M. Aurélien Taché alerte M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur le nouvel élan qu’a donné la compétition de l’Euro de football à la pratique des paris sportifs, notamment en ligne, qui se développent de façon exponentielle depuis les ouvertures successives à la concurrence du secteur en 2010 et 2020, donnant lieu à de graves dérives. La concurrence entre les opérateurs conduit aujourd’hui à une véritable saturation de l’espace publicitaire aussi bien physique que numérique, dans les transports, à la télévision, via des émissions sponsorisées, sur les plateformes et les réseaux sociaux. La stratégie marketing dominante des plus gros opérateurs s’est uniformisée de façon extrêmement problématique. Leurs publicités ciblent, en toute conscience, un public jeune, fragile et prompt à s’endetter dans l’espoir d’un gros gain. Selon l’Observatoire des Jeux (ODJ), 70 % des parieurs auraient moins de 34 ans en France et deux tiers des mises seraient pariées par des joueurs appartenant à des milieux sociaux modestes, ayant un niveau d’éducation et des revenus inférieurs à ceux des autres joueurs. La Cour des Comptes pointe même que 31 % des 15-17 ans ont déjà parié sur le sport alors que selon le baromètre 2019 des jeux de hasard de santé Publique France, les paris sportifs représentent le risque le plus important sur le plan individuel et que la part des joueurs excessifs y est six fois plus importante que dans les jeux de loterie. Ces joueurs problématiques sont en majorité des hommes jeunes issus de milieux modestes : 60 % d’entre eux ont un revenu net inférieur à 1.100 euros et la quasi-totalité un niveau d’études inférieur au baccalauréat. Les opérateurs l’ont bien compris et voient dans ces cibles particulièrement fragiles une véritable poule aux œufs d’or ! Ils créent des addicts et capitalisent sur la misère sociale. Les codes des cités sont largement repris : musique urbaine, barre d’immeubles, tags etc. sont les décors où sont mis en scène des jeunes issus des minorités. Peu représentés d’habitude dans les médias, ces jeunes se reconnaissent enfin dans ces publicités. Le recours à des influenceurs et autres figures populaires comme des rappeurs et même des journalistes sportifs stars font partie de cette même stratégie ciblée contribuant à donner l’illusion d’une « communauté » de parieurs et à banaliser l’idée que le pari ferait partie intégrante du sport. Alors que leur modèle économique dépend de leur perte d’argent, ces entreprises véhiculent l’idée que le pari serait la solution à leurs difficultés économiques et sociales. La dernière publicité d’un des plus gros opérateurs de paris sportifs ne dit rien d’autre que cela : le pari sportif n’est plus seulement un moyen de partir en vacances au soleil, il permet de « mettre la daronne à l’abri » alors que, dans les quartiers populaires, certains joueurs accumulent jusqu’à 42.000 euros de dette, dilapident leur RSA, ou sombrent dans le trafic de drogue pour s’en sortir face à leur addiction. Il n’y a pas que les joueurs, il y a aussi les familles qui subissent les conséquences quand ce sont justement les parents qui doivent assumer financièrement les dérives de leurs enfants. Alors que notre jeunesse, notamment celle issue des milieux modestes et populaires, a été particulièrement affectée par la crise sanitaire et sociale dont les effets se font encore durement ressentir, nous refusons de les laisser à la merci d’opérateurs de paris sportifs sans vergogne qui instrumentalisent leur passion pour le sport et leurs difficultés socio-économiques. La loi interdit les publicités pour les paris sportifs qui banalisent le jeu, l’associent à la réussite sociale et ont recours à des personnalités issues de l’univers des mineurs. C’est pourtant le cœur même de la stratégie de ces entreprises qui flirtent avec les règles légales et piétinent toute déontologie et toute morale. Une action forte des pouvoirs publics est urgente. Aussi, il lui demande comment le Gouvernement compte agir pour faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté face à ces abus et quelles sont les solutions envisagées pour mettre en place rapidement des mesures adaptées et nécessaires en matière de renforcement de la prévention et d’encadrement, notamment en matière de volume et d’horaires, de ces publicités.
La question écrite est à retrouver ici.