A l’occasion de la sortie du jeu vidéo Mad Max, le service Steam, spécialiste de la distribution de jeux vidéo en dématérialisé, propose l’ensemble des films de la série à l’achat. S’il ne s’agit pas de la première incursion du service dans la distribution vidéo, c’est néanmoins la première fois que le géant du jeu sur ordinateur offre des films grand public ou blockbusters. Si cette opération peut paraître anecdotique, elle illustre la tentation de Steam de pénétrer sur le marché de la vidéo à la demande où sa puissance et son savoir-faire commercial pourraient en faire un acteur de premier ordre.
Steam, leader incontesté du jeu sur ordinateur
Steam a été lancé en 2003 par l’éditeur Valve (Half-Life) pour gérer sa communauté de joueurs en ligne avant de s’ouvrir à la vente dématérialisée de jeux en 2005. Grâce à un positionnement précoce sur le marché, une gestion habile de la communauté de joueurs et des pratiques commerciales ingénieuses, le service est rapidement devenu l’acteur numéro un du marché, au point de devenir un partenaire incontournable pour l’ensemble des acteurs de l’industrie vidéo-ludique. Steam regroupe aujourd’hui un peu plus de 140 millions d’utilisateurs actifs, dont 29 millions ont été actifs au cours des 15 derniers jours. Depuis sa création, plus de 1,5 milliards exemplaires de jeux ont été distribués sur le service, et 6 500 jeux sont actuellement disponibles sur la plate-forme[1]. La part de marché de Steam oscillerait selon les estimations entre 70 et 80% du téléchargement légal de jeux sur ordinateur[2].
Ce succès de Steam repose sur un savoir-faire commercial indéniable, une expertise dans la gestion des données et une grande réactivité. Le service propose ainsi des offres promotionnelles en très grand nombre, une éditorialisation soignée et une animation de l’offre permanente. Les grandes soldes biannuelles de la plate-forme sont devenues un des rendez-vous les plus attendus de l’année vidéo-ludique par les joueurs et un exercice imposé pour les éditeurs y compris les plus importants. L’autre pilier du succès du service réside dans son exploitation des données utilisateurs. Le service récolte un grand nombre de données sur les pratiques de consommation et de jeu de ses utilisateurs, en particulier sur les nombreuses micro-transactions et échanges entre joueurs possibles sur la plate-forme[3]. Il en résulte un système de recommandation extrêmement performant. Enfin, Valve a su créer ou tirer profit de nouveaux modèles de distribution : précommande, préfinancement, accès anticipé, approche collaborative du développement ou encore système de remboursement…
Pourtant, Valve ne semble pas vouloir se cantonner au jeu vidéo et espère s’étendre à d’autres medias, y compris la vidéo.
Vers une offre de cinéma et plus
Steam vient de proposer à la vente sur son service l’ensemble des films de la franchise Mad Max à l’occasion de la sortie du jeu vidéo tiré des films. Le film Fury Road est ainsi accessible en HD à 16,99€ (soit le prix constaté sur les grandes plates-formes EST), et les autres opus à 9,99€. Le site propose également plusieurs bundles avec le jeu vidéo Mad Max. Ce lancement n’a pas rencontré pour l’instant un grand écho sur le service puisqu’on décompte un peu moins de 10 000 téléchargements pour les films contre plus de 360 000 pour le jeu.
Il ne s’agit pas de la première incursion de Steam au-delà des frontières du jeu vidéo. Le service de Valve dispose en effet d’une offre de vidéo et de musique ciblant spécifiquement le public des joueurs. En septembre 2014, Valve a ainsi lancé Steam Music, un magasin de bandes originales de jeux vidéo pouvant être écoutées directement sur le lecteur audio inclus dans le logiciel Steam. Dans le domaine de la vidéo, Steam propose également depuis plusieurs années des contenus (essentiellement des documentaires) liés aux jeux vidéo. Aujourd’hui, cette offre représente une cinquantaine de titres seulement mais dont certains ont enregistré un important volume de ventes. C’est le cas du documentaire Indie Game : The Movie vendu à près de 350 000 exemplaires.
Si l’offre de films Mad Max est une initiative d’ampleur modeste, elle n’en constitue pas moins un nouveau pas de Steam en direction d’une offre multimédia plus grand-public alors que Valve va lancer ses propres terminaux. La volonté de Valve de proposer une offre de contenus grand public est une rumeur ancienne, corroborée par plusieurs éditeurs de contenus et par certaines modifications du logiciel[4]. Cette rumeur peut paraître d’autant plus fondée que Valve va lancer en novembre une gamme de terminaux fonctionnant sous un système d’exploitation propriétaire, le Steam OS. Ces terminaux nommés Steam Machines sont conçus pour être une alternative aux consoles de salon en propulsant l’immense catalogue de Steam sur téléviseur. Dans ce contexte, et à l’instar de Sony ou Microsoft, il serait logique pour Steam de concevoir ses terminaux comme des media center, offrant sur un même service un catalogue de jeux vidéo, de films, de séries et de musiques. Si une telle offre devait voir le jour, Steam pourrait se révéler un concurrent de poids grâce à sa connaissance des utilisateurs et son expertise commerciale.
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[1] Source SteamSpy
[2] Source Gamekult
[3] Yanis Varoufakis, avant de devenir ministre grec de l’économie, avait été engagé par Valve pour analyser ces données et modéliser cette complexe économie interne
[4] Depuis l’été 2014, le code source du logiciel a été modifié pour permettre la vente de contenus divers et notamment des séries télévisées
