Les contenus sportifs en ligne sont de plus en plus souvent piratés par des cybercriminels qui organisent des transmissions illégales de grands événements sportifs. Les législateurs doivent donc prendre des mesures pour que les ayants droit puissent protéger leurs droits et s’assurer que les contenus sportifs en ligne soient préservés de telles attaques. À ce jour, personne n’avait encore établi de cartographie comparative détaillée des différents recours juridiques disponibles en cas de piratage… voilà qui est chose faite ! L’Observatoire européen de l’audiovisuel, qui fait partie du Conseil de l’Europe à Strasbourg, vient de publier son Mapping report on national remedies against online piracy of sports content, réalisé à la demande de la Commission européenne.
Cette analyse juridique comparative inédite, éditée par l’Observatoire avec la collaboration de l’expert international en droit d’auteur Giovanni Maria Riccio et l’assistance de Fabiola Iraci, commence par examiner l’étendue de la protection des contenus sportifs audiovisuels dans le cadre législatif respectif des 27 États membres de l’UE et du Royaume-Uni. Quels sont les droits attachés aux contenus sportifs audiovisuels ? Qui détient ces droits ? Autant de questions pertinentes pour comprendre qui a le droit d’intenter une action en justice contre le piratage en ligne de contenus sportifs audiovisuels, sur quelle base juridique, et quels sont les recours juridiques disponibles.
Les auteurs commencent par analyser les règles de droit d’auteur qui sont réellement applicables aux contenus sportifs. Si les événements sportifs en tant que tels ne sont pas protégés par le droit d’auteur, l’enregistrement et la diffusion audiovisuels de ces événements peuvent l’être, sous réserve de certains critères en matière de créativité et d’originalité. Dans tous les cas, ils sont protégés par les droits voisins accordés respectivement au producteur sur la première fixation du film et au radiodiffuseur sur le signal de diffusion. Sur cette base, les détenteurs de droits peuvent engager des actions en justice contre la violation de leurs droits et bénéficier des recours prévus par la législation sur le droit d’auteur. La situation est plus hétérogène en ce qui concerne la protection des organisateurs de manifestations sportives. Dans certains pays, ils détiennent des droits dits « domestiques », sur la base desquels le propriétaire ou le locataire d’une enceinte sportive peut engager des poursuites contre toute personne enregistrant l’événement dans cette enceinte sans autorisation préalable. Seuls huit des pays étudiés ont inscrit dans leur législation nationale des droits spécifiques sur les contenus sportifs audiovisuels permettant aux organisateurs d’événements sportifs d’intenter une action en justice contre le piratage en ligne.
La partie centrale du rapport examine les recours nationaux, les règles et les procédures d’application dont disposent les détenteurs de droits et de licences pour agir contre le piratage en ligne de leurs contenus. En dépit de la diversité des approches nationales, on peut identifier certaines tendances. En ce qui concerne les procédures de notification et d’action qui peuvent être utilisées en cas de contenu illicite disponible en ligne, les auteurs constatent qu’elles présentent encore d’importantes divergences d’un pays à l’autre, car elles n’ont pas été totalement harmonisées au niveau de l’UE.
D’une manière générale, le rapport souligne que tous les pays prévoient des recours tant sur le plan civil que pénal en cas de violation du droit d’auteur, même si les affaires pénales sont plutôt rares. Au niveau civil, la plupart des pays étudiés prévoient la possibilité pour les autorités judiciaires d’adresser des injonctions aux contrevenants et aux intermédiaires en ligne dont les services ont été utilisés dans le cadre d’une infraction au droit d’auteur en ligne.
Les auteurs se penchent ensuite sur l’un de ces recours civils, particulièrement utilisé contre le piratage en ligne, à savoir l’injonction de blocage. Ils notent que, bien qu’il n’existe pas de définition au niveau de l’UE, ce terme est courant pour désigner une injonction contraignant un FAI à mettre en place les mesures techniques requises pour bloquer ou désactiver l’accès à un site internet ou à une plateforme. Certains tribunaux nationaux ont commencé à autoriser l’usage dynamique des injonctions de blocage en validant leur application non seulement aux sites internet existants, mais aussi à de futures URL. Ces injonctions dynamiques sont reconnues comme étant plus souples en cas d’infractions répétées, comme c’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de piratage de contenus sportifs en direct. De plus, il y a eu, dans certains cas, des injonctions de blocage du direct, c’est-à-dire des injonctions permettant le blocage répété d’un site chaque fois qu’une diffusion illicite en direct est en cours. Ces mesures sont considérées comme efficaces par les tribunaux, car elles peuvent être exécutées en temps utile et entravent donc les flux de diffusion en direct qui sont en cours. Dans tous les cas, le rapport souligne que partout où des injonctions de blocage sont prononcées par les tribunaux, ces derniers veillent à respecter le principe de proportionnalité fondé sur les droits fondamentaux des utilisateurs et des services, tels que la protection des données, la liberté d’expression ou la liberté d’entreprise.
Les auteurs se penchent ensuite sur les autorités administratives qui ont été créées ou habilitées au niveau national et dotées de compétences spécifiques en matière de violation du droit d’auteur et/ou de délivrance d’injonctions administratives de blocage. Par ailleurs, le rapport examine les codes de conduite ou les protocoles d’accord adoptés au niveau national dans certains pays, avec quelques exemples réussis de blocage des transmissions illégales de matchs de football sur internet.
Le rapport se termine par cinq études de cas portant sur des initiatives phares et des bonnes pratiques dans la lutte contre le piratage sportif. Cette étude met en lumière la portée et les critères de délivrance des injonctions de blocage dynamique et en direct, le rôle des forces de police, les procédures administratives d’exécution et les approches technologiques de la lutte contre le piratage en ligne des contenus sportifs.
Comme à l’accoutumée, cette cartographie de l’Observatoire propose également une profusion d’informations sous forme d’analyse par pays, dont chaque chapitre expose en détail le cadre législatif adopté dans le pays concerné et propose un aperçu des autres études sur le sujet.
Le rapport est à retrouver ici.